L'amour au temps des geeks

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Le problème des rêveurs, voyez-vous, c'est aussi leur plus grande qualité : ils rêvent.

Mais comment attirer l'attention d'un rêveur ? Vous le voyez, vous l'entendez, vous pouvez même le toucher, mais ne vous y fiez pas : il n'est pas là. Il est loin, très loin de vous, à mille années lumière, perchés sur un nuage ou une lune déserte. Si un rêveur vous remarque, soyez-en flatté : vous êtes certainement exceptionnels, étrange, bizarre ou bigarré.

Mais alors deux rêveurs ?

Ils pourraient se croiser encore, et encore, jusqu'à la fin des temps, sans jamais se rencontrer.

C'est là que le destin s'invite.

Et comme nous sommes dans une histoire, le destin, c'est moi.

Il suffit d'un rien. Prenons un classique.

Deux personnes sur le même chemin.

Dans le même train.

Elle, elle garde sa joue collé contre la vitre. Elle goûte les rayons du soleil, tout en fouillant discrètement les nuages à la recherche de quelques dragons égarés. Si vous n'en avez jamais vu, c'est normal : ils se cachent des humains, qu'ils craignent comme la peste. Mais elle ne perdait pas espoir d'en apercevoir un un jour. 

Un bruit lui fit baisser les yeux. Un rire.

Elle n'en chercha pas longtemps l'origine, puisque le jeune homme qui lui faisait face pouffa encore une fois, son doigt tournant négligemment la page d'un gros bouquin.

Elle n'en crut pas ses yeux.

Il était beau. Il était plus que ça. Il était tout à la fois Sherlock Holmes et le docteur Watson. Il était étrange, décalé, avec sa silhouette fine et sa touffe de cheveux noirs, bouclés, à la Bénédict Cumberbatch. Ses mains étaient celle d'un elfe. Ces yeux étaient ceux d'un chat. Il avait dans son sourire cette douce fragilité qui l'émouvait plus que tout.

Elle resta là, un instant, sans rien dire. Un long instant, persuadé qu'il allait s'évanouir, comme un mirage, pour retourner au monde où il appartenait. Elle le voyait bien troubadour, dans un château antique. Magicien mystérieux, druide à demis-fou dans une forêt millénaire. Cartomancien, détective, gentleman cambrioleur...

Sollicité par ce regard insistant -il n'y a rien de plus horripilant que ceux qui vous fixent lorsque vous lisez- l'inconnu releva les yeux. Un rayon de soleil dansa sur le visage de sa voisine. Elle était mignonne. Elle était plus que ça. Elle était étincelante. Son visage rond aux joues roses lui évoqua un Hobbit, débordant de gentillesse, de bonhomie et de joie de vivre. Pourtant, dans ses longues mains aux gestes graciles, il y avait toute la délicatesse d'un elfe, et dans ses lèvres pleines, les courbes d'un chérubin.

Il sourit.

Elle sourit.

-J'adore ton tee-shirt, finit-elle par dire.

Il baissa les yeux pour observer l'objet du délit, et ne put s'empêcher de sourire de toutes ses dents.

Star Trek.

-Merci.

Il visualisa très clairement le petit bonhomme de sa conscience, perché sur son épaule, se faire un facepalm.

-J'adore Star Trek, reprit-il.

« Évidemment, débile, tu portes un tee-short Star Trek », renchérit sa conscience en lui jetant un air blasé qui lui signifiait très clairement qu'elle aurait préféré être affecté ailleurs.

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