La Muraille de Chine

1.1K 153 48
                                    

(J'ai toujours voulu écrire une histoire sur cette chanson ^^)

Je n'irais pas faire ces voyages
Dont on avait tant parlé
Je n'irais pas faire ces voyages
Je n'ai plus envie d'men aller...

Mélanie passa une main lasse sur la vitre, laissant son doigt parcourir sans encombre la distance entre Tokyo et Bagdad.

Partir ça n'en valait la peine
Que si tu venais avec moi
Partir ça n'en vaut plus la peine
Puisqu'il faudrait partir sans toi...

Tant de couleurs... La vitrine de l'agence de voyage était un rêve à elle toute seule, explosant de photos du monde entier.

Elle laissa, encore une fois, ses yeux glisser sur les images, ne retenant que du flou.

Que m'importe dès lors
la muraille de Chine,
si je dois être seul
pour en faire le tour...
Que m'importe Java
les îles Philippines,
Sumatra, Bornéo,
Ceylan ou Singapour...
Que m'importe Kyushu
et l'île Sakhaline,
Si tu n'es près de moi...
Près de moi...
Mon amour...

Cette vieille chanson lui tournait dans la tête depuis quelques jours déjà, et ça l'agaçait profondément. Elle passa une main dans ces cheveux pour en chasser la mélodie, sans succès.

Elle soupira, et repris son chemin.

Comme tous les matins depuis... Depuis trois ans déjà.

Se lever, s'habiller. Faire en sorte que la vie continue. Envoyer un message à son fils. Auquel il ne répondra pas. Oublier de manger. De toute façon, elle n'avait jamais faim le matin.

Sortir de la maison. Prendre le chemin du boulot.

Passer devant l'agence de voyage...

Elle s'octroyait dix minutes, chaque matin.

Pendant ces dix minutes, elle avait le droit de penser ce qu'elle voulait.

Alors elle fouillait les images des yeux. Elle jouait à imaginer qu'ils avaient visité tous ces endroits, tous les deux. Elle cherchait leurs silhouettes sur les photos de l'agence. Elle se fabriquait des faux souvenirs.

Une goutte de pluie lui tomba sur le nez.

Et, sans autre sommation, le ciel déversa toutes ses larmes sur la ville.

Mélanie ouvrit son grand parapluie.

Les gouttes sur la toile frappaient avec une telle violence qu'on aurait dit des coups de feu.

De toute façon, elle était arrivée au métro.

Elle n'aimait pas le métro depuis... depuis l'enterrement.

S'engouffrer sous terre créait chez elle une angoisse floue. Comme si elle n'en sortirait jamais.

Comme d'habitude, la première chose qu'elle fit en s'asseyant dans le métro fut de regarder l'écran vide de son portable.

Aucun SMS. De personne.

Ni de son fils. Ni de ses anciennes amies. Personnes.

Elles étaient toutes parties après la mort de Pierre. Elles la trouvaient trop sombre.

« C'est bon, Mélanie, ça fait des mois maintenant. Fais ton deuil, comme tous le monde. La vie continue».

La vie continue. Mais personne n'a jamais dit que c'était une bonne chose.

RomancesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant