Les amants de Thèbes

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Un cri déchira la nuit.

Une seconde. Peut-être deux.

Et le monde replongea dans le silence.

Haletant, assis sur ma natte de paille, j'essayai de me concentrer sur le bruit des roseaux dans le jardin et le clapotement du Nil, sous ma fenêtre.

Des bruits de voix vinrent peupler la nuit. Des appels, des exclamations. Je me dépêchais de me lever, enfilait un pagne, et sortit dans le couloir, pour ordonner aux autres esclaves de regagner leurs quartiers. Ce qu'ils firent à contre cœur.

Le calme enfin revenu, je franchis le seul de la maison.


À quelques mètres de la porte, un groupe d'esclaves murmurait des prières en serrant des amulettes. Je m'avançais.

Sans se concerter, tous me laissèrent passer. Parce que mon maître était puissant. Et parce que dans de telles situations, on s'en remettait toujours à moi.

Je retins un cri d'effrois devant la scène qui s'offrit à mes yeux.

Un homme était affalé contre le mur. Un poignard dépassait de son abdomen.

Mais des cadavres, j'en avais déjà vu beaucoup.

Ce qui créait en moi cette sourde terreur, c'était la marque.

Sur la poitrine du moribond. En lettre de sang.

Le nom de Seth.

Le dieu du chaos.

*

-Ouden ! S'exclama une voix familière en entrant dans la pièce.

Je relevais le nez de mes papyrus en souriant.

Mon jeune maître se jeta sur moi, me renversant sans vergogne sur le sol. Je ris, et refermais mes bras autour de lui.

-Ce n'est pas très convenable, Demedj, lançais-je en passant une main dans ses cheveux.

-Je m'en moque, rétorqua-t-il avec une moue boudeuse. De toute façon, il n'y a personne pour regarder. Et tu m'as manqué. Pourquoi n'es-tu pas venu avec moi ? Mon père aurait adoré te revoir.

-Demedj, soupirais-je en me redressant. Je suis ton intendant. Je ne peux pas laisser ton domaine sans supervision pendant un mois pour t'accompagner de l'autre côté du Nil, serais-ce pour voir ton père.

Il croisa les bras et souffla.

-De plus, repris-je, toi aussi tu m'as manqué.

Il voulut garder sa mine boudeuse, mais ne put s'empêcher de sourire.

-Tu es vraiment incroyable, rit-il. Tu dis ça comme si tu parlais du prix du bois. Tu devrais montrer un peu de passion, de temps en temps...

Je souris et me mis à genoux devant lui, mon visage à quelques centimètres du sien.

-Mon jeune maître serait-il insatisfait ?

-Absolument, répondit-il en posant ses mains sur mes joues. Que comptes-tu faire pour y remédier ?

Je l'embrassais.

-Tu m'as vraiment manqué, murmurais-je en posant ma tête sur son épaule.

Il recula, gêné, et regarda ailleurs pour se donner contenance. Je soupirais. Mon jeune maître aimait jouer avec moi mais, comme avec toutes les autres femmes et garçons qu'il côtoyait, ça restait un jeu. Les sentiments le mettaient mal à l'aise.

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⏰ Dernière mise à jour : May 17, 2017 ⏰

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