En un regard.

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Tu t'apprêtes à te pencher, juste un peu, juste assez pour que ça te fasses tomber, mais une main agrippe ton poignet et une voix semble te parler. Une voix magnifique. « Tu fous quoi, morveux ? Tu devrais rien tenter sans parachute. » Et cette phrase, si stupide soit-elle et si incompréhensible, te suffit ce soir-là.

Tu te retournes, rendant les armes et deux billes argentées s'accrochent à tes yeux émeraude. Tu ne comprends pas pourquoi, mais tu es hypnotisé, c'est le coup de foudre. C'est bon, tu es de nouveau accroc, et tu repars dans ce même cercle vicieux avec ces personnes compliquées, trop compliquées pour toi, mais tu t'en fiches pas mal à présent, tu as oublié pourquoi tu étais là, prêt à en finir, tu as oublié pourquoi tu t'étais tailladé le bras quelques minutes plus tôt, et tu ne veux pas te le rappeler. Car tu as tout oublié, sauf le fait que cet homme vient de te sauver la vie. Tu ne veux que te rappeler la couleur de ses yeux, de ses cheveux noirs, aussi noirs que les plumes d'un corbeau... Tu veux juste te souvenir encore de ces traits fins, de ces mèches fines, tombants sublimement sur son visage, contrastant avec sa peau aussi blanche qu'une perle de nacre. Tu te dis que quand même, un peu moins blanche, mais tu t'en fiches, tu ne peux t'empêcher de penser que cet homme est beau, magnifique. Qu'il est une toile d'araignée, et que toi tu es le petit insecte, coincé entre lui et l'araignée et que seul lui peut te sortir de là.

Peu à peu, l'espoir revient, dévastateur, il s'insinue dans chacun de tes pores, la douleur qui fait du bien. L'amour faisait ça aux gens. Tu souris et enfin, tu te décides à descendre et à lui répondre. « Merci. » Il n'a pas l'air de comprendre. « J'ai rien fait, gamin. », tu souris encore plus et lui répond qu'il a fait bien plus qu'il ne pense avoir fait. Il hausse les sourcils, t'incitant à continuer, tu ne dis rien de plus et tu lui donne ton numéro, sans trop savoir pourquoi. Il ne le rejette pas et le range dans sa poche, tu ne sais pas trop pourquoi, et tu supposes que lui non plus après tout. Peut-être est-il aussi perdu que toi tu l'es ? Parce que lui aussi, malgré ses apparences d'homme sérieux et froid, d'homme au visage impassible, il devait avoir ses moments de doutes, ses moments de peines, ses chagrins et ses colères. Tu te dis qu'après tout, il était comme toi, parfois au bord du gouffre. Il ne devait pas être très différent de lui sur ce point-là. Personne n'est différent là-dessus. Tu te retiens de rire, car tu es heureux et que tu repars dans ce même cercle dangereux, sans trop savoir s'il y aura une sortie, où une mort imminente, et tu t'en fiches car tu n'as plus rien à perdre.

Vous vous regardez, sans trop savoir pourquoi. Il te propose d'aller prendre un verre, tu acceptes, car tu ne peux juste pas refuser. Tu vis la plus belle soirée que tu n'as jamais vécue, et tu penses que c'est pareil pour l'inconnu. Tu lui dis ton nom, il te dit le sien. Levi. Un nom qui méritait de rester dans les mémoires. Un nom qui ne s'oubliait pas. Vous n'aviez rien fait de spécial, vous avez juste... Rien fait, échangé quelques mots et pourtant, tu l'aimais déjà, car tu t'attachais trop vite, et tu le savais, rien qu'un regard et ça te suffisais pour tomber amoureux. Mais bon, tu t'en fichais pas mal aussi, car tu étais maintenant dans ton lit, et que tu rêvais de son visage.

Malgré tout ce qui s'était passé, tu dormis bien, tu rêvais bien, tu te réveillais bien et tu n'as pas plus souffert. Tu étais juste heureux. Le lendemain, tu cherchais un boulot, tu en trouvais rapidement un, en tant que serveur dans le bar où tu as été hier. Tu passais ta journée à servir les clients, et ça te convint bien. Le soir, tu rentrais chez toi, tu te jetas dans ton lit, fatigué, et tu regardais la photo de cette personne que tu avais tant aimée. Tu souris, et tu te dis que tu aurais aimé qu'elle soit là, quand même, et tu promis que tu te vengerais de cet homme que tu avais aperçu une fois à la sortie du lycée. Tu te dis que tu le retrouverais bientôt et que tu le tuerais, lui aussi.

Au bord du gouffre. [BXB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant