Vis ou Meurs

Partie 3

          

Les informations télévisées étaient encore en train d'être diffusées, comme à chaque fois qu'ils dînaient. Aaron écoutait le présentateur d'une oreille distraite, plus concentré sur sa partie à venir que par le monde qui l'entourait. Jusqu'à ce que ce que le présentateur raconte le tire de sa rêverie plutôt brutalement.

– Et nous avons appris l'arrestation d'un chef d'entreprise d'électroménager aux États-Unis. Ce dernier aurait détourné les fonds de son entreprise dans un but encore inconnu. C'est un des employés de la société, Peter Smith, retrouvé mort dans une chambre d'hôtel ce matin qui aurait alerté les enquêteurs. Après une fouille chez lui, des documents ont permis de mettre la police sur la piste de ce chef d'entreprise. Et d'après les dernières informations données par la police américaine, il serait possible que la mort de Peter Smith soit due à ces documents. Un tueur à gage aurait été engagé par le chef d'entreprise pour l'empêcher de divulguer les informations qu'il avait à sa disposition.

– Dans quel monde on vit, commenta le père d'Aaron alors que le sujet à la télévision changeait. Le pauvre gars n'avait sûrement rien demandé. Il avait peut-être une famille, des enfants...

Aaron restait figé. C'était obligatoirement une coïncidence. Il y avait des milliers de Peter Smith dans le monde. Ils n'avaient pas montré sa photo durant le journal télévisé. Et il y avait sûrement plein de Peter Smith travaillant dans des entreprises. En plus, ce n'était pas les voleurs et les détournements de fonds qui manquaient dans le monde, on n'entendait parler que de ça. Oui, c'était une coïncidence. Une terrible coïncidence.

– Eh, Aaron ! T'as vu aux infos ? demanda Samuel le lendemain matin. On aurait dit ton scénario de jeu, le mec qui s'est fait tuer par un tueur à gage ! C'est fou, tu ne trouves pas ?

Oui, c'était fou. Aaron avait mis beaucoup de temps à s'endormir la veille. Il voulait se convaincre que ce n'était pas possible. Et il avait eu beaucoup de mal.

– Et j'arrête de jouer à ce jeu stupide, déclara son ami dans la foulée. Je suis encore mort n'importe comment hier. Rien à voir avec tes parties à toi ! Alors, hier, ça a donné quoi de ton côté ?

– Rien de bien passionnant, j'arrête de jouer aussi, répondit Aaron.

Il n'avait même pas touché à sa partie gratuite. Et il ne voulait plus parler de ses parties tant qu'il était encore perturbé par cette coïncidence stupide.

Toute la journée, il la passa sans beaucoup parler et personne ne s'en formalisa vraiment. Le soir, il fit ses devoirs et alla de nouveau manger en compagnie de ses parents, la boule au ventre. Et si...

– Toujours aux États-Unis, un événement tragique. Femme d'origine japonaise, d'une famille assez aisée, Yuhno Hagi est morte hier après avoir tué les cinq kidnappeurs de son fils, Takao Hagi. Après avoir pris l'initiative d'aller le chercher elle-même et de faire sa propre vengeance, elle a fui en utilisant la voiture du groupe de kidnappeurs. En se garant, probablement blessée par les criminels, elle a renversé une femme du nom de Vicky Davies sortant de son véhicule, la tuant sur le coup. Le jeune garçon, lui, n'est pas blessé et a pu rejoindre son père, choqué et terriblement attristé par la mort de sa mère.

Aaron se leva précipitamment de table et se rendit aux toilettes pour vomir. Cette fois, ça ne pouvait pas être une coïncidence. Il n'existait pas des milliers de Yuhno Hagi. Ni de Yuhno Hagi ayant tué les cinq kidnappeurs de son fils avant de se garer n'importe comment en renversant une femme. Il s'aspergea le visage d'eau froide.

– Aaron, tu vas bien ? demanda sa mère de l'autre côté de la porte.

– Oui, oui, je suis juste un peu malade, ça va aller mieux.