Chapitre quarante-et-un

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"Vous allez quoi?!" s'écria Mary, les mains sur les hanches.

Après deux semaines à garder le secret, Emma avait finalement réussi à convaincre Killian d'en parler à sa famile. Ça n'avait pas été facile, mais il avait fini par comprendre qu'ils ne pourraient pas le cacher indéfiniment.

"Nous gardons le bébé." répéta-t-il comme il l'avait dit il y a quelques minutes.

Mary-Margaret secoua la tête vivement, abattant ses bras sur ses hanches. Elle chercha l'appui de l'aîné, assis à côté de Killian, mais celui-ci se contenta de hausser les épaules, et de marmonner que c'était leur choix.

Visiblement, il faisait tout pour ne plus entacher sa relation avec son frère, quitte à garder ce qu'il pensait vraiment pour lui.

"C'est une plaisanterie?" intervint-elle au moment où Killian s'apprêtait à parler. "On est le premier avril ou quelque chose comme ça?"

Emma, qui jusque là était restée silencieuse, releva les yeux vers elle.

"Nous y avons beaucoup réfléchi et..."

"Vous avez 17 ans et toi tu as un cancer! Tu appelles ça réfléchir?!" s'écria-t-elle, hors d'elle.

Emma posa sa main sur la cuisse du jeune homme assis à côté d'elle, l'intimant d'un regard de ne pas répliquer. Il la prit dans la sienne et entrelaça leurs doigts, et avec un soupir, il se leva, l'entraînant avec elle.

"Quoi qu'il arrive, c'est ce qui nous rendra heureux maman." souffla-t-il.

Emma se sentait minuscule face à Mary-Margaret, qui n'était pourtant pas plus grande qu'elle. Elle avait passé beaucoup de temps avec elle, à l'aider à la maison ou à parler pendant que Killian se reposait. Et jamais elle ne l'avait vue en colère, jamais comme ça. Elle savait que ce n'était que pour les protéger, mais bon sang ce que c'était intimidant...

"Vous voulez garder ce bébé? Tu sais ce que ça implique Emma?" fit-elle, la réprimandant du regard.

Ils baissèrent les yeux, et Emma laissa sa main glisser hors de celle de Killian, qui tenta en vain de s'y accrocher.

"Ça implique que jour et nuit, ta vie sera vouée à ce petit être, que tu devras être là pour lui à chaque seconde de sa vie, et ce jusqu'à la fin de tes jours, que tu devras t'occuper de chacune de ses fièvres, de changer ses couches, lui donner à manger, sans avoir de répit, jusqu'à ce qu'il grandisse et qu'il..."

Emma n'écoutait plus. Son esprit se perdit à imaginer ce que serait une vie aux côtés de Killian, à s'occuper de ce petit bout d'eux, à lui apprendre à marcher, parler, faire du vélo ou nager, à lui donner le biberon dans les bras de son brun, le bercer pendant qu'il lui fredonnerait une chanson comme il avait tendance à le faire pour elle lorsqu'elle faisait un cauchemar. Le regarder grandir de jour en jour.
Et puis, elle pensa que tout ce qu'elle imaginait, tout ce qu'elle souhaitait, c'était que tout ça se passe avec Killian.

Killian ne serait pas là pour tout ça.

Elle leva les yeux vers lui. Il semblait heureux. Vraiment. Le garçon brisé était enfoui sous une couche de bonheur.

Sous une illusion.

Elle ferma les yeux, et sans un mot, quitta la pièce, attrapa la veste que Killian lui avait offert pour remplacer l'ancienne, et partit marcher.

Comme elle s'y attendait, il ne fallut pas longtemps pour qu'il la rejoigne, courant derrière elle pour la rattraper.

"Emma!" l'appela-t-il, et sa voix essoufflée l'obligea à s'arrêter, restant cependant dos à lui.

"J'ai besoin d'être seule Killian." souffla-t-elle, enfouissant ses mains dans ses poches.

"Je sais à quoi tu penses, et il est hors de question que je te laisse seule maintenant."

Elle lâcha un long soupir, un nuage de vapeur sortant de sa bouche pour se répandre dans l'air froid.

"Nous allons avoir ce bébé Emma, nous allons être heureux et..."

"Non, tu vas être heureux!" s'exclama-t-elle en se tournant vers lui.

Il fronça les sourcils, croisant ses bras sur son torse, visiblement confus par ses mots.

"Tu vas être heureux, et ensuite, tu vas partir, et je serai seule avec un enfant que je veux élever avec toi." dit-elle d'une voix plus calme.

Il sembla étudier chacun des mots qui franchissait ses lèvres, comme s'il cherchait à être certain qu'elle les prononçait bien, qu'elle disait vraiment ça. Ensuite, il baissa la tête, et d'un ton qu'elle ne saurait qualifier, lui demanda:

"Si je n'étais pas malade, que ferais-tu?"

Elle ne répondit pas. Elle n'avait pas besoin de le faire, la question ne se poserait même pas. Mais il était malade. Et elle était perdue.

Le silence les encercla, et il y eut un long moment où aucun des deux n'osa regarder l'autre. Et puis, il finit par planter ses yeux dans les siens, ses perles bleues dans lesquels dansait la faible lueur qui l'avait tant intriguée, et il n'en fallut pas plus à la blonde pour craquer. Elle lui tourna le dos, et reprit sa marche, de lourdes larmes roulant sur ses joues pour s'écraser sur le sol. Il lui sembla sentir qu'il la regardait encore, mais il ne la suivit pas. Elle ne sut dire si elle en était déçue ou soulagée, à vrai dire.

Elle marcha jusqu'au port, s'assit sur le banc où elle lui avait annoncé son départ, et elle observa l'horizon, espérant un quelconque apaisement. Malheuresement, il n'en fut rien. Les larmes lui brouillaient la vue, et au fond d'elle, ce poids ne la quittait plus. Elle ne pouvait ni abandonner cet enfant, ni l'élever. Elle était bloquée par des responsabilités qu'elle ne pourrait assurer.

Bon sang, mais qu'est-ce qui leur avait pris de croire qu'ils pourraient être heureux? Pourquoi? Tout ça, ça ne leur était pas autorisé. Il n'avait pas assez de temps pour ça. Ils n'avaient pas assez de temps. Il leur fallait une vie entière, mais ils n'avaient que la mort.

La mort, et la solitude.

Voilà quelles étaient leurs uniques issues.



Clouds ~ CaptainSwan [AU] (once upon a time)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant