CHAPITRE 5

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« Laisse en nous voir dans ton cœur

Entends nos éclats de voix rageurs

La brume bleue encercle nos âmes

Prisonniers du crâne...

Mordaena »

La lune d'un blanc immaculé se fondait dans le gris des nuages. La lumière du crépuscule se répandait au cœur des vitres cendrées du château. La brume opaque s'immisçait à l'intérieur des pierres murales, lui donnant un aspect sinistre. Un peu plus loin, seule, une fenêtre de l'aile droite du manoir était allumée. À travers celle-ci, l'ombre d'une silhouette s'étendait sur l'asphalte glacé montrant son apparence terrifiante et oppressante. L'âme était comme happée au cœur du corridor et avançait d'une démarche lente et funeste. La noirceur de la nuit dépeignait les couleurs des tapisseries rendant un tableau redoutable. Les voilages de la lune pénétraient faiblement les hautes fenêtres du manoir, éclairant ainsi son chemin. Elle se faufilait vicieusement à l'extérieur du manoir. Encore endormi, son corps s'alourdissait à chaque pas qu'elle entreprenait. Sa chevelure rousse s'entremêlait parmi l'air voluptueux, mais rien ne semblait l'éveiller, le somnambulisme l'ayant agrippée. Le grand chêne semblait se ployer devant l'air lugubre qui l'encerclait. La nature clamait haut et fort son tempérament désinvolte et se révoltait contre une force obscure. Les feuilles se ballotaient comme dans une danse effrénée, en arquant leur corps démesuré, contractant un spectacle affolé. On percevait le hululement aigu d'une chouette qui se terrait au creux de l'arbre. Le corbeau sortit de sa cachette et vint se poser sur la plus haute branche du chêne.

« Mordaena traversa l'étendue de sable qui s'étendait sur toute l'île. Seule. Dépourvue d'aide. Sa vue se brouillait à chaque pas qu'elle faisait. Le brouillard venait la frôler légèrement. Le paysage lui semblait inconnu. Elle n'avait jamais vu cela auparavant. Son corps avança péniblement et entra dans les profondeurs de l'île. »

Le froid de la nuit ne semblait pas la réveiller. L'épiderme se réveillait lorsque la caresse glaciale de l'oxygène le touchait. Ses poils se hérissaient et sa peau devenait rouge. Sa démarche lourde venait à éclabousser la terre mouillée sur ses mollets. Elle continuait sa route vers la sortie de la demeure. Personne n'avait repéré sa fugue, si on pouvait l'appeler comme cela. Le manoir était assez proche de la mer, la jeune femme s'aventura près de la grande falaise. À l'horizon s'étendait un massif de hautes herbes humectées par l'humidité. La route était déserte. Mordaena s'enfonça parmi la verdure menaçante. La lune toujours aussi ronde ne perdait en rien de son éclat immaculé et tendait à émerger un paysage moins angoissant.

« Un son de cloche semblait résonner trois fois dans toute l'île. Elle regarda autour d'elle. Un hibou s'envola. Des nuages noirs s'amoncelaient juste au-dessus de la forêt, et une tempête de pluie s'abattait. Quand résonna le tonnerre, l'éclair traversa la majeure partie de l'île, il était ahurissant et violent. Il vint s'échouer près d'une grande colline.

Les feuilles bruissaient avec une mélodie sinistre parmi les arbres aux troncs noirs. La lune éclairait la plaine située juste devant, mais ses rayons d'argent ne pénétraient pas la cime des arbres qui était trop épais. Et, à l'intérieur, on entendait un rire moqueur et presque dément. Mais ce n'était que le vent. Sous un fourré serpentaient les sources vives avec l'inflexion des bruits assassins semblable à des torrents de cris roulant leurs ondes sur les roches qui s'évaporaient en murmures stridents. Silence.

Elle s'arrêta brusquement lorsqu'une ombre noire vint effleurer son bras droit. Son cœur tambourinait de plus en plus fort. L'ombre noire l'enveloppa lentement jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus apercevoir le paysage. Figée par la peur. La créature dévoila son visage. Elle détailla les nombreuses cornes de bois qui se dressaient sur sa tête et elle fut aspirée par une lueur bleue. Des iris d'un bleu aveuglant. »

UTOPICTOWN - L'île de KinvaraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant