CHAPITRE 3 (CM)

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Verena s'enfonça dans les entrailles du lac, et manqua d'écorcher ses écailles à cause des rochers tranchants. La sirène resta cachée un moment, espérant que l'ombre soit bel et bien partie. Il ne fallait absolument pas qu'il découvre sa nature. L'homme avait le pouvoir de la détruire, de l'utiliser comme un vulgaire objet pouvant le rendre riche. Verena devait rester invisible aux yeux de l'homme et attendre patiemment son départ. Elle s'en voulait de s'être jetée innocemment à l'intérieur de l'eau. La douceur du liquide lui soufflait une étreinte agréable que son corps avait embrassé les profondeurs. Ses iris s'engouffrèrent parmi les méandres du lac, imaginant un autre monde. Un univers où la souffrance était inconnue. Elle se revoyait au creux des bras de son paternel, s'enivrant de son parfum familial. Entendre sa voix joviale et son timbre rassurant. Elle serra entre ses doigts fins le seul objet qu'elle avait récupéré de lui : un coquillage nacré. Verena ferma un instant les yeux et se laissa bercer par le silence qu'offrait le lac. Les rayons du soleil s'infiltrant dans l'eau illuminèrent son visage angélique. Son père lui avait toujours dicté d'être forte et courageuse, ce qu'elle aspirait à devenir. Une femme sûre d'elle. Son cœur se rapprochait lentement de la voix douce de son géniteur. Ses paroles résonnèrent en échos comme une incantation. «Laisse-toi guider par ta destinée. Ton charisme fera ta force. N'oublie pas, Verena, que tu es la fille de deux éléments. Tu feras de grandes choses, finit-il en l'embrassant.» Ces mots lui redonnèrent l'énergie d'affronter la terre dont elle ignorait l'histoire. Son aspect la terrifiait. Il se cachait tellement de créatures inconnues pour la petite sirène, qu'il lui était difficile d'appréhender sa nouvelle vie.

Pourtant, il le fallait.

Bien longtemps avant sa naissance, des meurtres avaient consumé son peuple et le coupable restait l'humain. Cette race inconnue, qu'elle avait tant défendue, lui inspirait désormais une méfiance totale. Les ancêtres les considéraient comme des êtres prêts à tout pour détruire et corrompre. Tels des oisillons, si frêles et insignifiants au départ, ils révélaient une partie sombre quand la chasse avait lieu. Ils se postaient semblables à des lions enragés, observant leur proie de leurs iris noires où un éclair de folie luisait. Déployant leur rage et leur force, le feu qui se déversait sur leur victime était dévastateur. Nos aïeux restaient alors cachés à l'intérieur de leur nid, protégés. Verena s'était plongée à cœur ouvert dans la cage aux lions en dévoilant sa deuxième nature. Aurait-t-elle un prix à payer ?

La jeune femme sortit du lac, doucement, près d'un buisson qui faisait office de barrière aux voyeurs. Elle s'allongea le temps que son corps sèche complètement. Verena profita des derniers moments sentant les gouttes d'eau perler sur sa peau. Ses membres s'abandonnèrent au corps de l'humaine, laissant derrière celui de la sirène. Ses jambes se déplièrent lourdement et guettant des regards de tous les côtés, elle longea les buissons en attrapant furtivement ses vêtements.

Nikolas, quant à lui, restait caché derrière un arbre. Il ne voulait pas lui faire peur. Le spectacle que la femme lui avait offert avait été au-delà de tout ce qu'il avait visualisé. Plusieurs fois, il avait cligné des yeux en apercevant sa longue et magnifique queue de poisson. Il l'avait vue se faufiler entre les buissons. C'était bel et bien la première fois qu'il s'obligeait à se terrer, tel un oiseau dans une cage, avec un pincement au cœur à la vision de la petite sirène. Nikolas n'arrivait pas à détourner son regard de la femme. Sa chevelure rousse qui encadrait son visage était sa plus belle arme. L'ondulation se terminait au creux de ses reins, illuminant ainsi ses courbes. Il détailla chaque recoin de son corps. Nikolas en était subjugué. Verena détenait un charisme et un charme incroyable. Ses tâches de rousseurs embellissaient son visage.

Ses mains attrapèrent une robe rose qu'elle enfila rapidement. Il découvrit avec stupeur ses jambes. Était-ce de la sorcellerie ? Verena avait ce regard perçant et mystérieux. Elle l'intriguait.

UTOPICTOWN - L'île de KinvaraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant