CHAPITRE 7

53 6 8
                                    







Son impulsivité l'avait agrippé - encore une fois -  repoussant ainsi la raison. Les émotions étaient bien trop fortes pour être enfouies au plus profond de son âme. Mordaena se tenait devant les portes battantes du bureau de son paternel, rougie par la colère et par ses propres sentiments. Son corps ne pouvait plus tenir après tout ce qui lui était tombé dessus. Les nerfs avaient tout bonnement lâché. Elle n'avait plus la force de garder son masque, d'être toujours ce personnage froid et distancier de ses émotions. Mordaena avait craqué. Ses rêves l'avaient bafoué dans une mascarade qu'elle ne pouvait contrôler, car la peur l'avait envahi. Terrifiée par ce périple, méfiante de l'île et de ses secrets, la carte avait été révélatrice de tout son questionnement. Ses rêves n'étaient pas dus à son imagination, non, ils détenaient un lien profond avec cette île maudite. La chanson, qui ne cessait d'être soufflée à l'intérieur de ses oreilles, avait également une connexion.

Elle serra les poings et ouvrit la porte, découvrant son père assis confortablement sur son fauteuil. La jeune femme ne pouvait plus contenir sa rage et sa folie devant son géniteur. Persuadée d'être incapable de retenir son flot de reproches. Mordaena resta immobile, les yeux exorbités par la tristesse et les poings serrés. Elle avait peur, certes, mais pas assez. La moitié se résidait autour de ses nerfs, la colère encore activée. La jeune Iskrov repensa aux paroles tranchantes de son père lorsqu'elle était encore une adolescente « Tu es l'être qui a tué ta mère, je te laisse porter mon nom, mais je ne pourrais te considérer comme ma propre fille. » Blessée, ce qu'elle était au fond, marquée à jamais par le fer rouge des paroles. Le mot n'était pas aussi fort de la description de son état lorsqu'elle avait entendu pour la première fois cette phrase. Elle le savait au plus profond qu'elle ne détenait aucun lien auprès de la mort de sa mère, mais une partie se sentait responsable. Le masque de fer n'était qu'un déguisement de sa souffrance. Il fallait que cela cesse une bonne fois pour toutes. Malgré la haine envers son père, Mordaena ne pouvait se résoudre à en rester là, car cette phrase l'avait anéanti, a marqué le début de sa souffrance et de la compréhension du rejet de son père.

Avant de faire un pas vers son géniteur. Il la devança.

« Que veux-tu ? »

Il avait l'habitude de ne jamais l'appeler par son prénom, comme s'il trahissait sa raison. C'était devenu une routine pour la jeune femme, seulement aujourd'hui elle ne voulait plus l'accepter.

« J'ai un nom, père où est-ce trop dur de simplement le prononcer ? »

Il ne répondit pas, préférant se délecter de la saveur du vin. Toujours l'ignorer, toujours. Peut-être est-ce une règle qu'il avait aussi mise en place afin d'éviter le conflit ?

« Est-ce trop dur d'avoir une réponse de ta part ? insista-t-elle encore une fois

—    Laisse-moi, Mordaena. Contente ? répondit-il froidement. »

Tranchant comme toujours. Lui donner ce qu'elle désirait, mais pas en entier. Lui laisser la part de rejet qu'il a l'habitude d'instaurer. Pourtant, sa colère ne se contenait plus face aux paroles de son père. C'était devenu un rituel entre eux : de se dire trois mots ; cassants. Seulement, Mordaena réfutait désormais cette communication qui ne les menait à rien.

« J'aimerais avoir pour une fois une conversation normale et constructive avec mon père, et pas balancer trois mots, puis rien, lança-t-elle sans réfléchir. »

Aucune réponse. Il lui tourna le dos, prétextant ne pas avoir envie de continuer l'échange. Ce rejet était de trop. Elle ne pouvait pas accepter ce silence perpétuel, il ne devait pas juste lui imposer. L'opposition était irréfutable. Mordaena voulait alors lui tenir tête, avoir le dernier mot.

UTOPICTOWN - L'île de KinvaraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant