CHAPITRE 6

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« Oh, mais que je suis bête, tu n'as aucun vêtement sur toi, je vais vite te prendre quelque chose ! s'exclama derechef Anabella. »

Alors que sa sœur sortit de la pièce, Mordaena n'arrivait pas à détourner son regard, la méfiance l'ayant gagnée. Verena lui inspirait au départ de la sympathie en la sauvant des griffes de l'océan. Seulement, depuis le comportement de son père ayant vu l'intruse, elle ne pouvait que s'interroger sur les origines de celle-ci. La méfiance constante de Mordaena n'était pas apparue au hasard, elle l'avait gagnée, ou du moins ce trait de caractère l'avait délibérément agrippée le jour où un ami l'avait lâchement bafouée. Le prénom de cet homme résonnait comme la pire trahison. Cette félonie de se part l'avait profondément blessée. Alek, de son nom, l'avait utilisée à des fins pécuniaires. Jamais elle ne pourrait redonner sa confiance.   

Elle voyait les yeux de son destinataire essayant de chercher comme une échappatoire, la gêne s'étant installée. Une échappatoire qu'elle ne trouva pas puisque Mordaena lui lança, tranchante :

« Tu n'as pas répondu à ma question. J'attends. »

« Prise au piège » était la seule phrase qui lui venait à l'esprit. Elle se sentait oppressée à l'intérieur de cette pièce et les flammes ardentes de la cheminée n'arrivaient pas à calmer ce sentiment. Verena ne semblait plus émettre le moindre son, à vrai dire, elle n'était pas celle qui contre-attaquait son adversaire, elle abdiquait, étant trop faible. Bien souvent, ce genre de comportement l'avait desservie dans des épreuves qu'elle aurait pu réussir. Mentir était devenu son démon suprême, celui qui la mettait en état de sueur, enfermant son organe respiratoire jusqu'à l'étouffer et qu'elle crache la vérité. Ce n'était tout bonnement pas un domaine fait pour elle et non les valeurs qu'on lui avait inculquées. Seulement, dans certaines situations, il fallait qu'elle en use pour se protéger. Ce moment avec Mordaena en faisait partie. Verena gonfla ses poumons, prenant le peu de courage qu'il lui restait.

« Je ne... »

Elle ne put finir sa phrase lorsqu'un grand brun fit son entrée dans le salon, avec un air aguicheur. Nikolas se précipita vers les deux femmes et s'installa près de Verena, un grand sourire s'affichait sur ses lèvres. Verena déglutit en sachant pertinemment l'identité du jeune homme, l'homme qui s'était caché derrière les buissons, l'épiant sans gêne. Mordaena fut surprise de ce changement de situation, elle ne perdit pas les échanges de regards entre Nikolas et Verena. Ils se connaissaient. Elle comprit tout de suite la posture de Verena. Piégée.

« Décidément, tu as l'air de connaître toute la famille...

—  Je fais partie de la famille maintenant ? taquina Nikolas, le regard enjoué. Je ne pensais pas qu'on avait dépassé ce stade Mordaena. 

—  Toujours présent pour faire le coq à ce que je vois, lâcha-t-elle sèchement. »

Sa dernière remarque n'avait pas échappé au beau brun, qui affichait un sourire bien plus marqué. Mordaena s'en voulait, les mots lui avaient échappé, et sans vraiment s'en rendre compte, elle avait pu éveiller chez le garçon un soupçon de jalousie en elle. « Mais ce n'était pas le cas », pensa-t-elle. Elle ne voulait pas lui faire ce plaisir. Il fallait qu'elle se rattrape, seulement Nikolas ne lui en laissa pas le temps.

« Je le fais uniquement pour voir tes réactions, rétorqua-t-il. »

Piqué au vif, son visage rougit par la remarque déplacée. Verena remerciait Mordaena de s'attarder plus sur le jeune homme en question que sur ses suspicions. À vrai dire, elle tenait à garder son secret caché, seulement elle savait pertinemment que Nikolas pourrait tout faire échouer à tout moment.

UTOPICTOWN - L'île de KinvaraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant