Chapitre 8 : Les studios de Lendit

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Les deux filles avaient remonté l'allée, songeant aux propos étranges de Charlotte. Elles avaient trouvé leur bus, comme promis, au dépôt et elles étaient maintenant à l'intérieur, excitées mais stressées à la fois. Elles arrivaient enfin au bout de leur voyage ! Mais Capucine allait bientôt devoir passer devant les jurys ! Ô stress infini ! Le matin même, l'équipe de The Voice leur avait envoyé un texto les informant qu'elles avaient rendez-vous à onze heures. Il était maintenant dix heures et elles espéraient ne pas être en retard. Les deux filles étaient entrés dans le bus, avait payé leur trajet puis étaient allées s'assoir.
    - On arrive à quel heure ? demanda Capucine, stressée mais extasiée à la fois.
Léïs se détacha, se leva de son siège et alla voir le conducteur, un homme obèse, une casquette I voted Trump vissé sur la tête.
    - Excusez-moi... commença Léïs. Dans combien de temps allons-nous arriver ?
    - Quarante minutes, s'exclama l'homme d'un ton bourru, rangeant son portable Nokia à touches dans la boîte à gants.
Il prit des lunettes de soleil équailles qu'il posa sur son nez puis mis le contact, closant la conversation.
Léïs regagna sa place en rapportant à Capucine la réponse du conducteur. Elles étaient assises vers le fond du bus de luxe, qui comportait des fauteuils bleus confortables, des toilettes et une télé (malheureusement éteinte), accrochée en haut. Les fenêtres très larges offraient pour l'instant une vue sur le périphérique de Paris, les nuages avaient obscurcit le ciel et des pigeons volaient deux par deux. Devant, un vieil homme sifflotait en lisant le journal Le Parisien qui annonçait en gros titre une attaque djihadiste dans le Vars. Un petit garçon de dix ans, assis à côté de sa mère, s'amusait à passer ses doigts à travers les barreaux de la cage de voyage d'un chat noir et en chantonnant : "Mimine, Mimine, Mimine !". Le chat avait un regard blasé et semblait prendre un malin plaisir à rester à quelques millimètre des doigts de l'enfant pour l'empêcher de se faire effleurer. Un globe-trotter avec un gros sac à dos buvait de l'eau à grosses gorgées au goulot de sa bouteille Vittel. Capucine l'imita et pris sa propre bouteille d'eau dans son sac et se désaltéra. Léïs fis de même. Le bus sortait maintenant de Paris, longeant des maisons victoriennes dans un style américain, des enfants jouaient dans les jardins, au toboggan ou à la balançoire. Des familles faisaient des balades autour d'un lac, entouré de roseaux et de pêcheurs. L'environnement changea. Ils traversèrent des forêts, des villages, prirent l'autoroute pour rejoindre enfin la nationale, qui menait à Saint-Denis. Ils dépassèrent le panneau Saint-Denis et le car prit une petite route pour se garer enfin sur un parking aménagé pour les bus. Il était exactement 10:43. Les deux filles sortirent en hâte du bus, sans prendre la peine de saluer le chauffeur, qui ignorait complètement ceux qui le faisait. Le vent les gifla et elles remontèrent la fermeture éclaire de leur veste. Léïs sortit son portable et, utilisant sa 4G, alla voir sur Google Maps où se trouvait exactement le studio de Lendit.
   - Parfait... marmona-t-elle.
Puis, elle pointa son doigt droit devant elle.
    - Bon, bah... on tourne au carrefour à droite et c'est au bout de la rue...
Capucine se sentait mal... mal d'avoir mentit à ses parents... mal de devoir passer devant les jurys... mal de s'être laissé embarquer dans cette histoire... Elle soupira. Elles avaient fait tout ce chemin, ce n'était pas pour laisser tomber maintenant.
    Aller, s'encouragea-t-elle.
Les deux filles marchèrent côte à côte en silence. Arrivées au bout de la rue, elles relevèrent la tête. Devant elle se tenait un énorme bâtiment gris, entouré d'arbres verts, montant jusqu'à cinq ou six mètre de haut et s'étendant le long de la voie ferré. Léïs pris son courage à deux mains et entraîna Capucine par la main jusqu'à la porte d'entrée en verre. Elles entrèrent à l'intérieur, déclenchant une musique douce. Il faisait chaud et, sur des canapés en cuir noir aux coussins rouges en satin, beaucoup de personne attendaient en discutant, s'agitant et stressant. Une jeune fille portant une robe rouge sortit d'une salle par une porte en bois en pleurant. Une voix féminine et chantante s'exclama :
- Edwouar Rendon !
Un homme barbu très grand rentra dans la salle, avec, sous le bras, un instrument oriental.
Sa prestation dura environ cinq minutes, puis il ressortit du local, un sourire satisfait sur les lèvres.
Capucine attendit environ une heure, trépignant s'impatience, se recoiffant toutes les deux minutes et sursautant au moindre nouvel appel. Léïs la détendait en lui racontant des blagues.
- Un citron, une vache, un garagiste et Blanche-Neige cambriole une banque. Le citron dit : Pas un zeste ! La vache dit : Que personne ne bouse ! Blanche-Neige dit : Haut les nains ! Et le garagiste : Passez-nous la caisse !
Capucine esquissa un sourire, elle souffla à Léïs :
- C'était la pire celle-ci !
Sa meilleure amie sourit et elles s'enfoncèrent dans leur siège rouge. Capucine pris un coussin tout doux entre les mains et vit une femme aux lunettes noires sortir de la salle des jurys. La voix aigu s'exclama :
- Capucine Quartier !
Cette dernière sursauta et, toute tremblante, se leva pour se diriger vers le local. Léïs la suivit du regard et leva les pouces pour l'encourager à y entrer. La porte se referma sur elle et elle se retrouva face aux quatre jurys qui la jugeait d'un air suspicieux. Il y avait deux femmes et deux hommes, ils la saluèrent et elle hocha la tête, trop terrifiée pour répondre. Un homme assis au milieu caressa son bouc et lui demanda de se présenter.
Capucine commença timidement :
- Bonjour... Je m'appelle Capucine, j'ai 16 ans et je... j'habite à Bourg-en-Bresse...
Une femme, debout sur un côté de la table, notait au stylo bille ce qu'elle disait sur une feuille à grands carreaux, elle avait les lèvres figés dans une moue dédaigneuse. Ses cheveux bruns raides était coupés très court et elle avait deux boucles d'oreilles vertes en émeraudes qui pendaient à ses oreilles. À sa droite, assise à côté de l'homme au bouc, une autre femme au cheveux châtains longs et ondulés regardait Capucine d'un air maternelle, elle l'encouragea :
" - N'es pas peur..."
Capucine continua en essayant de parler avec un air un minimum assuré :
- J'aime bien chanter, mais je suis très timide... Ma meilleure amie m'a prise en video en cachette pendant que je chantais et vous l'a envoyé... c'est pourquoi je me retrouve ici...
La femme et l'homme au bouc se regardèrent d'un air sérieux et décidé. Capucine pris peur mais continua malgré tout :
- J'aurais pu refusé de venir, mais je me suis dit que ce qui ce passait ne pouvait pas être seulement de la chance et j'ai envie de faire carrière dans la musique, c'est pourquoi je suis ici, vainquant ma timidité et essayant de l'enfermer pour toujours.
L'homme assis à droite de la table, portait des dreads et un sourire fatigué. Il lança quand même un regard à l'homme du milieu quand je me mis à parler de ma timidité.
La femme aux longs cheveux châtains pris la parole.
- Que vas-tu nous chanter ?
- J'ai choisi un titre de Mika... Over my soulder...
Ils se regardèrent. La femme se tortilla une mèche de cheveux autour du doigt.
- Et pourquoi ?
Capucine sentit sa gorge se serrer.
- C'est la première chanson de Mika que je n'ai jamais entendu. Ma cousine étais une fan de lui, et elle est morte d'un cancer... Elle lui a écrit une lettre que je ne quitte jamais. Chanter cette chanson ici et essayer de participer à The Voice est une espèce d'hommage que je veux lui rendre. Si jamais je réussi à remettre la lettre à Mika, je sais que j'aurais en quelque sorte rempli ma mission...
La femme sourit et les jurys semblèrent plus s'intéresser à l'adolescente.
Capucine se retrouva alors face à son micro. Sa respiration s'accéléra, son cœur battit plus vite, une sueur froide lui glissa sur le front.
La secrétaire assise sur le côté, nota quelque chose sur sa feuille.
- Vas-y... N'aies pas peur... l'encouragea l'homme au bouc.
Capucine ferma les yeux et se mis à chanter. Elle chanta comme elle chantait avec sa cousine quand elles se voyaient plus jeune. Elle s'appelait Manon. Elles se faisaient des concerts dans sa chambre et commençaient toujours par cette magnifique chanson.
Ce fus au troisième couplet de la chanson que les larmes commencèrent à couler le long de joues de Capucine. Les jurys l'écourtèrent avec admiration. Elle pleura comme elle n'avait jamais pleuré, déferlant toute sa tristesse qu'elle avait contenu depuis la mort de Manon, en chantant cette chanson qui lui rapellait sa cousine. Pourtant, sa voix ne se brisa pas. Elle resta forte et puissante, autant que douce et fragile, sans se laisser éclater par les sanglots. Capucine chantait et pleurait comme si elle était seule dans cette pièce. Elle ne se souciait même plus de savoir ce que les jurys pensaient de sa voix, ou si elle chantait faux. Elle n'écoutait plus sa voix.

Le jour où je suis passée à The VoiceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant