"A combien de brasses je m'estime? La berge des mes pensées intimes."
Auteur inconnu.
La houle avait cessé. "Où suis-je?" Je concentrai tous mes efforts pour ouvrir les yeux ; impossible. "Mort." Respire. Impossible. Aucune sensation. Rien. Je restai coincé à l'orée d'un coma profond et de moindres moments de lucidité.
Le temps s'écoulait, lentement. Puis il disparût, doucement.
***
Soudain, quelque chose me souleva avec violence et me projeta sur le sol. Je heurtai une masse solide, mes côtes me lancèrent affreusement. Du sable? Il y avait des bruits de craquements tout autours. Ma tête...
Des cris?
Sans prévenir, une frappe brutale me martela la poitrine. Une lame d'eau salée, affreusement piquante, traversa mon œsophage pour se déverser sur se sol. Je lançai un râle d'agonie qui me déchira la gorge déjà salement enflée. Je tentai de respirer, en vain.
Un deuxième coup sourd et puissant. Seconde vague de douleur. Je recrachai le surplus d'eau logé dans mes poumons. L'irritation était insoutenable. Les larmes me bouillaient la vue.
- Il ouvre les yeux!
Je perçus, l'espace d'un instant, un amas flou de silhouettes encapuchonnées. Impossible de distinguer davantage sous ce ciel obscure. Le sable ocre, des tuniques foncées, le gris, les algues, des nuages sombres. La nuit n'était pas tombée, mais l'obscurité en était semblable. Je sentis quelques gouttes effleurer ma peau avec vigueur. Il pleuvait. Un bruit sourd me déchira les tympans. L'orage. Il y avait de l'orage.
- Petit? Tu m'entends petit?
La voix était grave, rouillée.
Troisième coup. J'aspirai une énorme bouffée d'air marin. Une toux rauque m'assaillit. Je brûlais de l'intérieur. Je toussai, violemment. Je m'étais mis à quatre pattes - sans même m'en rendre compte, la tête penchée en avant. Mes cheveux trempés collaient à mon visage.
- Tu peux parler petit?
La seule réponse que je pus émettre fut un gargarisme ridicule.
- Te force pas petit.
La voix était dorénavant distincte, dure, quoique rassurante. Un autre coup de tonnerre étouffa le brouhaha de la foule. Combien étaient-ils? Où étais-je? Un brin de lucidité éclaira mon esprit l'espace quelques secondes. Je vis cet homme au visage grave, une barbe fournie, brune, de longs cheveux. La peau calleuse et les traits endurcis, creusés par le contact de l'air marin. La tempête battait plus fort que je l'avais imaginé. Les gouttes de pluie étaient comme autant de coups de poignards sur mes blessures. Je criai.
- Je vais te ramener petit.
Je sentis mon corps se soulever, aussi léger qu'une algue; ballotté, à demi-conscient. Je percevais une procession de silhouettes suivre nos pas. Toujours ce bourdonnement.
"Vivant... Je suis vivant", pensai-je.
VOUS LISEZ
Les Tempêtes d'Hurlevent
Paranormal"Heureux celui qui a déjà aperçu le Soleil là où il n'y a que tempêtes." Skald des Terres d'Hurlvent. E1156 L'histoire d'un jeune garçon échoué sur une île après un mystérieux naufrage. Orphelin, recueilli par un homme à la voix venue du fond des ea...