L'Inconnue - Été

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Je reviens quelques mois plus tard à mon appartement de Montmartre et à ma plus grande surprise, elle est encore là. Mais quelque chose d'indescriptible a changé : le Temps est passé. Je suis au rendez-vous, elle aussi. Sa forme est toujours la même, hormis sa taille. Mais jusqu'où va-t-elle grandir ? Jamais elle ne cessera de m'étonner. Le vert qui l'ornait au mois de mars s'est métamorphosé durant nos quatre mois de séparation pour aller vers le vert vif, celui de la jeunesse. Elle se tient toujours au même endroit, la statue de la déesse, mais sa posture ne cesse de bouger. Le vent, à son gré, est si puissant qu'il fait virevolter sa douce et légère tenue parsemée d'étoiles, sans qu'elle puisse faire quoique ce soit pour l'en empêcher. Pourtant, ce n'est pas le souffle de la nature qui l'embête : c'est la chaleur écrasante du mois de juin. La marée de personnes autour d'elle ajoute de l'angoisse et de la crainte à cette belle, plongée au cœur du bouillonnement solaire et humain. L'astre ne fait que passer, mais il reste quand même là, à briller trop fort, quatorze heures durant, cette œuvre vivante. Les rayons lumineux la transpercent comme dans du beurre, laissant voir ses veines plus sombres tels mille et un fleuves au travers de sa peau. Elle est presque dénudée ; et enfin, je peux contempler chaque pointe, chaque courbe de son anatomie parfaite et les mettre sur papier jusqu'à ma prochaine visite.

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