Amarante

Prologue

Elle se mit à avancer dans le tunnel fait d'arbres dont les branches s'entrecroisaient. Il avait givré cette nuit-là. Les branches étaient recouvertes d'une couche blanche cristalline. C'était un paysage splendide. Plus la jeune fille avançait, plus elle avait l'impression que l'air se refroidissait. Son souffle au contact de l'air se transformait en petit nuage, puis disparaissait.

Au fur et à mesure qu'elle marchait, le tunnel s'étrécissait. Elle ne contrôlait plus son corps. Ses jambes avançaient seules, la conduisant vers un endroit inconnu.

Lorsqu'elle s'arrêta, elle leva la tête et regarda autour d'elle. Les arbres avaient disparu, laissant place à une prairie enneigée. Devant elle, une arche de pierre.

Elle pouvait entendre des cris de joie et des oiseaux chanter. Le clapotis d'un ruisseau et le vent dans ses cheveux. Toutes ces choses magnifiques qu'elle n'avait plus vu depuis si longtemps, elle pouvait les entendre et les ressentir... mais ne les voyait pas.

Soudain, se matérialisa devant elle un écran transparent tenu par l'arche. Plusieurs couleurs ondulèrent dessus, puis on arriva à distinguer une image : plusieurs enfants s'amusant dans une forêt. Une famille réunis dans un salon, où un feu magnifique brûlait dans l'antre de la cheminée. Comme hypnotisée par ces si belles choses, elle tendit le bras et toucha l'écran. A son contact, ses yeux se mirent à briller et à changer de couleur. Habituellement bleus azur, ils devinrent dorés comme de petites pépites d'or. Un sentiment de bien-être l'envahit. Elle ferma les paupières.

Lorsqu'elle retoucha l'écran, celui-ci afficha des spirales violettes qui tournaient dans le sens des aiguilles d'une montre. Sa main traversa et elle fut aspiré. Le dernier son qui sortit de sa bouche fut un cri de terreur...

                                                                              25 ans plus tard

Laura regardait sa fille tendrement. La petite était endormie dans un berceau. Toutes deux se trouvaient dans le salon d'une belle maison. Dans la cheminée crépitait un feu flamboyant. Une table d'ébène occupait la place au milieu de la pièce. Il y régnait un silence apaisant.

La porte d'entrée claqua, ce qui réveilla l'enfant et le fit pleurer. La douce mère tenta de l'apaiser en le prenant dans ses bras et en lui chantant une berceuse. Une fois la petite calmée, elle se tourna vers son mari.

- Alors ? Qu'a dit le Gouvernement ? De quelle section fait partie notre petite Hermine ?

- Ma chérie, il faut que l'on parte. Elle n'est... elle est Sans Race.

- Comment est-ce possible ? Demanda Laura, une lueur d'inquiétude dans la voix.

- Je n'en sais rien. Mais tu sais aussi bien que moi ce qu'ils vont faire... Il faut que l'on parte... Maintenant ! Les contrôleurs arrivent.

- Nous ne pouvons pas la laisser ! protesta Laura. Elle va mourir si elle reste !

- Non. Bien-sûr. Une fois que nous serons en sécurité, nous déciderons de ce qu'il faut faire. En attendant, il faut partir.

Une larme coula sur la joue de Laura. Son mari s'en aperçu et la prit dans ses bras.

- Tout va bien se passer... Ne t'inquiète pas. Ils ne nous auront pas.

La jeune femme déposa un baiser sur le front de sa fille, pris une couverture qui se trouvait dans le berceau et la couvrit avec. Manque de chance, on frappa à la porte.

-Ouvrez ! Dit une voix ferme d'homme coléreux. Ouvrez ou l'on défonce la porte. Ordre du Gouvernement ! Votre enfant doit nous être restitué !

- Il faut y aller...

Les cris avaient réveillé Hermine. Au moment de quitter la maison par la porte de derrière, les yeux de la petite brillèrent d'un éclat doré et le feu de la cheminé augmenta et devint bleu... Personne ne le remarqua. Quelques secondes après, il reprit sa couleur et sa taille normale.

Une fois sortis de la maison, ils entendirent les contrôleurs défoncer la porte et se mettre à leur poursuite. Un frisson d'effroi parcouru le corps des deux parents. Ils se mirent à courir dans la nuit, avec pour seul espoir : trouver un refuge sûr pour la nuit et échapper aux forces de l'ordre.