Jour 2

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Je me réveille avec un léger mal detête et grimace en me redressant sur mon lit. Je regarde un instantautour de moi, encore assommée par le sommeil, le temps de mesouvenir de l'endroit où je me trouve. Chez ma grand-mère. Çasonne bizarrement. J'essaie de guetter un son m'indiquant qu'elle estréveillée, mais je n'entends rien, alors je me lève. Je n'ai pasparticulièrement envie de la croiser après mon coup d'éclathier.
Je pose mes pieds sur le parquet. Il a vécu, c'est clair.Le bois est usé, mais pas abîmé pour autant. J'aime bien. Satexture est douce, sous mes pieds nus. Je me lève et fais mon litrapidement. Une habitude maniaque. J'ai horreur que les draps soienten boule. Je jette un coup d'oeil à ma valise, toujours fermée. Ilva falloir que je range mes affaires. Puisque ici, ça va devenirchez moi. Je soupire. Je ne sais pas comment réagir face à ce quim'arrive. Il y a trop de choses en même temps, trop de chocs àencaisser. C'est difficile. Je n'ai pas la force pour ça. Je ne saispas si je l'aurai un jour.
Après quelques secondes à fixercette valise, une grosse malle en cuir vieilli, qui appartenait àmon père, je me décide, et j'ouvre les fermoirs. Je prends un jeanet un t-shirt gris. Ma façon de m'habiller est banale. Je le sais.Je ne sais pas me mettre en avant. Je ne veux pas qu'on me remarque.Je ne veux pas qu'on me regarde. Car tout regard entraîne unjugement. Et je déteste qu'on me juge.
Je décide de resterpieds nus. Je suis toujours pieds nus. Sentir ce sur quoi je marche,la texture, la température, est important pour moi. Nos pieds sontce qui nous ancre à notre environnement. Ils sont notre lien avec laterre, et il est injuste de les enfermer dans des chaussures.
Jereferme ma valise, et la laisse en plan. Je n'ai pas envie de lavider maintenant. J'ai l'impression qu'une partie de mon père veillesur ce qu'elle contient, et ça me rassure. Je me redresse, et sorsde la chambre. La lumière m'aveugle tout de suite. Je ne saistoujours pas quelle heure il est. Nous sommes en fin d'été, lesderniers jours d'Août. Il fait jour tôt, et chaud, aussi.
Jedescends les escaliers. Toujours aucun bruit dans la maison. Dans lacuisine, du pain et des pots confiture trônent sur la table. Jem'assieds et saisit une tranche, que je badigeonne de purée defruits. C'est bon. C'est de la véritable confiture de grand-mère,comme je me l'étais toujours imaginée. Ça me fait sourire. Jetermine rapidement, et bois un verre d'eau. Je n'ai pas la motivationpour me préparer un thé.
Je remonte rapidement. Je décide depasser à la salle de bain. Un brin de toilette n'est jamais inutile.
Je déniche une brosse dans les tiroirs et commence à démêlermes cheveux. Ils sont longs. Très, très longs. Ils m'arrivent auxhanches, comme une immense rivière noire, pleine de reflets. Ilssont raides. Je les tiens de ma mère. Mon père avait les cheveuxfoncés mais pas autant que moi, et frisés. J'ai le teint trèspâle, avec quelques tâches de rousseur, qui offrent un contrastesaisissant. Enfin je crois.. Mes yeux sont légèrement bridés, d'unbrun aux nuances de vert. Mon nez est fin, et remonte un peu vers lehaut. Ça me donne un air de lutin. Ma mâchoire trop carrée à mongoût vient gâcher cet effet en me confiant une certaine sévérité.Je préfère ça. Les gens ne cherchent pas d'ennuis aux personnessévères.
Je me brosse les dents rapidement, avant de retournerdans ma chambre pour ouvrir les volets. Je prends pour la premièrefois de le temps de la regarder. Les boiseries de la charpente​sont bien visibles. Les murs sont recouverts de chaux, en contrasteavec le parquet sombre. Le tout est bien éclairé par une uniquefenêtre ronde. C'est simple et accueillant. Comme le reste de lamaison.
Comme si laisser entrer la lumière était un signal,j'entends la porte d'entrée s'ouvrir. La voix de ma grand-mèrerésonne, ainsi qu'une autre, masculine, que je ne reconnais pas.Loan.
Je décide de descendre. Puisqu'il doit me faire visiter lapropriété, autant se lancer tout de suite. J'essaie de meconvaincre de ça, mais au fond de moi, je sais que c'est faux. J'aipeur de rencontrer mon frère. Cela fait des années...nous n'avonsrien en commun, je ne sais même pas ce qu'il a pu lui arriverpendant tout ce temps. Il doit avoir quoi ? 26 ans, quelque chosecomme ça ? On a le temps de faire plein de choses en treize ans.

Le jour où la neige tombera à l'envers (En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant