Excuses

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Lorsque Margaret arriva au château, elle était hors d'elle. Certes ce garçon l'avait sauvée mais ça ne lui donnait pas le droit de lui parler ainsi. Se moquer d'elle ! Une comtesse ! Elle en tremblait de fureur et d'indignation. Non seulement ce garçon était malpoli mais en plus, sa maison -si tant est que l'on pouvait appeler une telle bicoque ainsi- empestait un mélange d'humidité, de saleté et de fiente de poule ! Vous parler d'une odeur pestilentielle ! Elle était bien contente d'être rentrée chez elle: ici, au moins, on parfumait toutes les pièces avec des fleurs pendant les belles saisons et tout le reste du temps, on utilisait des encens venus d'orient qui coutaient une fortune. Lorsqu'elle vit son père arriver, elle voulut lu raconter ce qui c'était passé mais, se souvenant que le garçon ne voulait pas aller jusqu'au château, elle préféra jeter le panier vide ( ou presque ) à son progéniteur en lui hurlant au visage qu'il n'y avait pas de mûres.

Le pauvre comte qui n'avait rien demandé resta sur place, perplexe pendant que sa furie de fille s'enfuyait vers sa chambre dans un bruit d'enfer. Il avait essayé de faire preuve d'autorité, il le jurait. Mais à quoi bon, avec une enfant pareille...

Seule dans sa chambre, Margaret réfléchissait. Ce garçon méritait-il de s'entendre traiter de cafard alors qu'il avait sauvé sa vie ? Non, assurément. Mais il l'avait ridiculisée et ça, c'était impardonnable. Pourquoi donc se prenait-elle la tête comme ça ? de toutes façon, elle ne le reverrait pas. Mais une étrange sensation lui tiraillait le cœur : la culpabilité. Elle ne savait pas pourquoi mais ce passage éclair chez cet inconnu lui avait fait réaliser une chose qu'elle n'aurait jamais cru dire un jour : elle était égoïste. Sa demoiselle de compagnie l'appela alors pour déjeuner.

Dès que le repas fut fini, la nouvelle égoïste dit à son père qu'elle retournait en forêt pour, cette fois, chercher des châtaignes. Elle s'éclipsa sans un mot de plus vers l'ouest. Sa décision était prise: elle allait s'excuser. C'était la première fois qu'elle y pensait en treize ans d'existence. Elle longea le sentier jusqu'à ce qu'elle aperçut, en contrebas, un cabanon défraichi. Elle s'y rendit mais le dénommé Frédéric n'y était pas. Dépitée mais soulagé, elle s'apprêtait à rentrer lorsqu'elle entrevit, entre deux pins, une forme mouvante. Prudemment, elle s'approcha mais elle se rendit vite compte que l'apparition ne présentait aucun danger immédiat: il s'agissait d'un lapin qui tremblait comme une feuille, on l'aurait dit pétrifié. Elle le prit dans ses bras pour essayer de le calmer et c'est à ce moment qu'elle entendit la voix de Frédéric:

"Comtesse ?

- Ah, vous voilà, vous. Où étiez-vous donc ?

- J'essayais de trouver ma pitance, et vous ? Que faites-vous là ?

- J'étais venue m'excuser.

- Vous excuser ? Voilà qui est saugrenu.

- Eh bien savourez ce moment car ce sera la première et la dernière fois que cela arrive.

- Si vous le dîtes... Maintenant, voulez-vous bien me rendre ce lapin ?

- Oh ! Tenez.

Tout en discutant, ils se dirigèrent vers l'habitation.

- Comment avez-vous fait pour l'attraper ? demanda le garçon, visiblement étonné.

- Je ne sais pas, comme ça. J'ai un don inné avec les animaux.

- Vous ne voudriez pas m'aider à chasser par hasard ?

- Oh, mon dieu, non ! Je déteste voir la mort.

- Eh bien dans ce cas, fermez les yeux."

El il étrangla le lapin.

VerfeuilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant