Le messager

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Frédéric n'en revenait pas : il avait suffi qu'il étrangle un lapin pour que la jeune fille s'évanouisse ! Pendant qu'il faisait une bouillie informe et douteuse gastronomiquement parlant, il observait Margaret du coin de l'oeuil. Il l'avait installée sur sa paillasse de peur qu'elle ne fasse un scandale lorsqu'elle se réveillerait. Pour le physique, du point de vue du garçon, elle n'était pas à plaindre; c'était même assez plaisant. Mais voilà, Frédéric haïssait les nobles avec leurs richesse éblouissante, leurs forteresses flamboyantes, leurs montures à faire pâlir le roi ( qui, soit dit en passant, n'était pas si puissant que ça ) et surtout leur manière de parler, mépriser, s'indigner et se vanter. Et justement, le caractère de la duchesse était exécrable entre tous. Quand le jeune homme pensait que du sang de noble coulait dans ses veines, il en avait la nausée. Perdu dans ses pensées, il faillit faire brûler la bouillie. Il se reprit de justesse et s'installa pour manger. Margaret esquissa un mouvement, infime, mais Frédéric n'était pas dupe : il avait bien compris qu'elle était réveillée. Il lança :

"Vous voulez manger quelque chose ?

- Non merci...répondit l'intéressée en apercevant la pitance qu'on lui proposait.

- Vous avez tort, c'est extrêmement nourrissant !

- Peut-être mais je doute que mon estomac survive à cette chose."

Elle alla tout de même s'assoir à côté de Frédéric. Une fois qu'il eu fini son repas, il se leva et sortit de la cabane.

" Où allez-vous ? demanda Margaret.

- Vérifier que je n'ai rien oublié dehors. Ce serait dommage d'attirer les loups et les voleurs alors que j'ai déjà frôlé la mort aujourd'hui. Vous feriez mieux de rentrer chez vous, La nuit va bientôt tomber.

- Vous avez bien raison. Avant de partir, puis-je vous poser une dernière question ?

- Allez-y... fit le garçon, surpris.

- Alors voilà... aujourd'hui, j'ai appris beaucoup plus qu'au cours de toute ma vie et je me demandait... est-ce que j'aurais le droit de revenir vous rendre visite ?

Frédéric sursauta. La comtesse avait demandé une permission ! Et comme une faveur en plus ! Il n'avait pas vraiment envie de répondre positivement mais il voyait que la jeune fille avait pris sur elle pour poser la question et il pourrait sûrement en tirer quelque chose.

- Si vous le voulez mais je pose une condition.

- Laquelle ?

- Vous devrez m'aider chaque fois que vous me rendrez visite.

- Vous aider ? Mais à quoi donc, je n'ai aucune expérience manuelle...

- On verra bien, vous apprendrez.

- Bon, c'est d'accord."

Alors que tous les deux se dirigeaient vers le chemin, ceux-ci entendirent le martèlement des sabots d'un cheval qui s'approchait. Et soudain, il apparut. Un grand étalon noir lancé au grand galop, le poil luisant et surmonté d'un cavalier habillé d'une grande cape sombre comme une nuit sans lune. Avant que l'apparition ne disparaisse, Margaret eu juste le temps d'apercevoir ses yeux et le regard qu'elle croisa était terrifiant : c'était un regard perçant et glacial à la fois. La jeune fille eut l'impression qu'il la transperçait. La tirant de sa torpeur, Frédéric demanda :

"Il allait vers le château, vous le connaissez ?"

Encore sous le choc, la comtesse ne répondit pas et se contenta de faire non de la tête. Elle s'en serait souvenue si elle avait déjà croisé un tel regard quelque part. Elle essaya de se reprendre mais rien n'y fit. Elle se résigna donc à rentrer chez elle Avant de commencer à marcher en titubant sur le chemin sous le regard inquiet de Frédéric.

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