Margaret marchait lentement sur le sentier, titubant, incapable de se faire une raison. L'homme ne se rendait sûrement pas au château et quand bien même c'était le cas, ce ne serait pas un drame, il n'avait sans doute aucune intention de tuer. Et puis son père avait des soldats pour se protéger et savait lui-même se défendre... Mais plus elle avançait, plus la jeune femme se rendait compte que les traces des sabots du cheval suivaient le même chemin que ses pas et moins elle était rassurée.
Enfin, la duchesse arriva à la forteresse et en passant devant les écuries, sa respiration se stoppa le temps d'une demi seconde : le grand étalon noir était là, attaché par la bride, soufflant par les nasaux. Malgré elle, Margaret se mit à courir jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus entendre le bruit des sabots frappant le sol de terre battue. En entrant dans le château, la jeune fille remarqua que, contrairement à son habitude, son père n'était pas là pour l'accueillir. Lorsqu'elle demanda à un page la raison de cette absence, celui-ci répondit qu'un étranger s'était présenté au château et avait exigé de parler seul à seul avec le comte. Celui-ci avait accepté la requête et les deux hommes se trouvaient actuellement dans le petit salon, séparés des oreilles indiscrètes par une lourde porte en bois. Renonçant à apprendre quoi que ce soit en écoutant aux portes, Margaret se rendit dans sa chambre et essaya de se calmer.
Cela faisait plusieurs minutes que la jeune fille tournait en rond comme un lion en cage, passant du fauteuil au lit à la fenêtre en se rongeant ses longs ongles sous lesquels étaient restées des trace de son excursion en forêt si bien que sa gouvernante dut la forcer à s'assoir. Margaret aimait bien sa gouvernante mais la trouvait parfois beaucoup trop stricte en ce qui concernait l'étiquette et les choses que sa "condition de jeune fille" l'autorisait ou non à faire. A vrai dire, la comtesse aurait bien aimé naître comte. Elle haïssait le fait d'être restreinte dans ses actions sous prétexte qu'elle était une femme. Bien sûr, les hommes aussi étaient enfermés dans l'étiquette mais ils avaient tout de même plus de libertés. Enfin, pour le moment, ses pensées étaient pleinement occupées par son père et le cavalier au regard de glace. La jeune fille tapait à présent frénétiquement du pied si bien que la brave femme chargée de son éducation renonça à la calmer et sortit de sa chambre en soupirant. Seule, Margaret tentait de s'apaiser, en vain. Son cœur la poussait à se méfier tandis que sa raison la raisonnait, justement. L'une affirmait :
«Ses yeux... Ses yeux étaient effroyables, de tels yeux ne peuvent appartenir à un être bon!»
Alors que l'autre argumentait :
«Sûrement, mais qu'est-ce que des yeux au vu d'une personne entière ? Les apparences peuvent être trompeuses...
- Mais ne dit-on pas que les yeux sont la porte de l'âme ?
- La nature de l'âme ne confirme pas les intentions.
- Mais...»
La lourde porte claqua, coupant court au conflit intérieur qui agitait la jeune fille. Celle-ci se leva comme montée sur des ressorts et sortit de sa chambre précipitamment. Dehors, son père conversait avec le chef de la garde ce qui interpella immédiatement la duchesse. Ces deux-là s'entendaient comme chien et chat et ce n'était qu'en situation de nécessité qu'ils s'adressaient la parole. Derrière eux se tenait, droit comme une colonne, solide comme un roc et sombre comme de l'encre l'homme. Elle frissonna mais s'approcha tant bien que mal du groupe. L'apercevant, le comte s'adressa à elle :
«Ah, ma fille, justement vous voilà! Il y a ici un messager de messire le marquis de Concoule, notre invité, à qui j'aimerais que vous fassiez visiter le domaine et l'aidiez à prendre ses quartiers. Ensuite, rejoignez-moi dans le petit salon, j'aurai à vous parler de choses importantes.»
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Verfeuil
AdventureLe moyen age, cette période sombre et chaotique. Au milieu du tumulte de cette époque, une jeune fille issu de la noblesse vivant dans l'opulence, un garçon vivant au gré des saisons mais surtout, un complot à déjouer... Hey tout le monde ( je m'adr...