Toi + Moi

6. Red

Mai 2009:
Jade m'emmène au pré. Elle détache mon licol et je m'élance au galop dans le pré. Je lance deux ou trois ruades et continue de courir comme un dingue.

Les autres chevaux sont là. Je met ma queue en panache et avance au trot parmis eux. Je suis très beau. Oui. C'est narcissique. Mais je m'en fiche. Je suis beau et ils sont jaloux.

Et moi j'ai Jade. Pas eux ! Je retourne la voire. Elle s'est assise dans l'herbe, à l'ombre d'un arbre. Le Livre est posé à côté d'elle. Je pose mes naseaux dessus. Elle a aussi sa sacoche.

Je m'allonge à côté d'elle de façon à ce qu'elle puisse me gratter la tête. Elle commence sa lecture. On est bien là. Il fait chaud, mais on est à l'ombre.

Au bout d'un moment, elle s'arrête de lire et referme le livre. Elle le met dans son petit sac. Je me lève et me secoue. De la poussière forme un nuage autour de moi.

Jade m'amène vers la barrière. Elle ne va pas me faire sortir ? Je n'ai pas de licol. Et puis c'est trop tôt !  Je veux encore courir !

Elle monte sur la barrière. Elle tend la main vers moi.

Jade: Viens. On va essayer un truc. Tu promets de pas faire le fou et de m'écouter d'accord ?

Je m'approche de la barrière. Elle monte délicatement sur mon dos. C'est drôle ! Je la sens tout contre moi. Ses jambes si fines encadrent mon ventre. Ses douces mains sont accrochées à ma crinière.

Elle serre les jambes et j'avance au pas. Je la sent resserrer ses mains. Elle a peur. Je m'arrête mais elle me dit d'avancer. Je pars au trot. Elle reste tant bien que mal sur mon dos. Je pars au galop.

Elle lâche ses mains et écarte les bras. Je l'entend rire aux éclats. Je l'aime tant. Si il lui arrivais quelque chose... Je mourrais de tristesse. Et si c'était à cause de moi... Je m'en voudrais à un point inimaginable.

Je ralentis et passe au trot. Elle s'agrippe à nouveau à ma crinière. Je n'ai pas vu la branche. Elle non plus. Je trébuche et l'inévitable arrive. Jade passe par dessus ma tête et tombe par terre. Sa chute est accompagnée d'un bruit sourd et de poussière.

Je m'approche d'elle, tout confus. Elle reste allongée par terre. Les yeux fermés. Elle ne bouge pas mais elle respire.

Elle n'a pas mis sa bombe. Elle me faisait confiance et j'ai tout gâcher. Bravo Red ! Bravo ! Tu es le pire des chevaux toi. Tu es laid et méchant !

Mais je n'ai pas fait exprès. J'ai trébuché c'est tout... Ma petite Jade ne bouge toujours pas. Il faut aller prévenir quelqu'un !

Je fonce vers la clôture. Je prend mon élan... 3... 2... 1... Je pousse le plus fort possible sur mes postérieurs et saute par dessus la barrière. J'atteris sur l'herbe du bas côté. Je cours sur la route jusqu'au centre. Arnaud est dehors.

Je m'approche de lui. Il se retourne et me regarde, l'air surpris. Je le pousse un peu en avant. Il faut que tu me suive Arnaud ! Aller ! Essaye de me comprendre... S'il te plait... C'est Jade ! Elle est en danger !

Je le pousse plus fort. Je passe devant lui et avance. Je me retourne. Je lui attrape son t-shirt et le tire en avant. Il comprend et court derrière moi.

On arrive au champ. Je reprend mon élan et saute la barrière comme la première fois. Arnaud passe par dessus.

Je galope au fond du pré, là où est toujours ma belle Jade. Elle n'a pas bouger. Arnaud arrive, la prend dans ses bras et repart au pas de course vers l'écurie. Et moi ?

Il emmène ma petite écuyère loin de moi. Sans me dire où il va ! Je ne sais pas si elle va bien ! Je le suis mais il ne me regarde pas. Il parle à Jade. Il la supplie de se réveiller. Il la secoue, lui donne des petites claques sur les joues. Pourquoi tu la tapes ?! C'est pas de sa faute si elle ne bouge plus !

Non... Ce n'est pas de sa faute... C'est de la mienne. Tout est de ma faute ! Elle va m'en vouloir, c'est sûr ! Je m'allonge dans l'herbe et ferme les yeux. Je m'en veux tellement.

Je m'approche de l'endroit où nous étions tous les deux il y a une heure à peine. Le livre est toujours là, dans la sacoche. Il faut que je lui rapporte.

Je la prend doucement dans ma bouche. Je le pose de l'autre côté de la barrière et tente d'ouvrir cette dernière.

Le loquet est rouillé et beaucoup trop dur pour un cheval. Je m'éloigne donc et, pour la troisième fois aujourd'hui, m'élance vers la barrière.

Je cours vers l'écurie, la sacoche serrée entre mes dents. Le bitum est dur sous mes sabots. Et il est chaud. Ce n'est pas très agréable. Je m'apprête à tourner à un virage mais...

Une voiture surgit juste devant moi. Je fais un bond de côté mais ne peux l'esquiver. Elle heurte ma patte arrière.

À cause du choc, je tombe dans le bas côté. Je me relève. J'ai très mal au postérieur gauche. Jade est devant moi. Elle s'approche. Me prend la sacoche. Elle sort le livre et déchire les pages.

Non ! Jade... Fais pas ça. Stp... M'en veux pas je te jure que c'était un accident ! Je... Je ne voulais pas.

Elle s'approche encore de moi. Elle me frappe la tête. Je ne comprend pas... Pourquoi tu fais ça Jade ?!

Elle ne s'arrête pas et continu. Je lui tourne le dos et m'enfuis en courant. J'entends encore sa voix murmurer mon nom... Red... Red...

J'ouvre les yeux en sursaut. Ce n'était qu'un mauvais rêve. Jade est à genoux, devant moi. Elle pose sa main sur mon chanfrein.

Elle ne m'en veut pas. C'est super ! Je suis content ! Je pose mes naseaux sur sa joue. Elle sourit et me carresse les joues.

Je l'aime tellement. J'ai eu vraiment peur pendant ce rêve. Je la regarde dans les yeux. Elle embrasse mes naseaux et se lève. Arnaud l'attend à la barrière, les bras croisés. Il a l'air en colère.

Je suis ma cavalière de très près. Elle ramasse sa sacoche, restée par terre. Elle avance vers son coach la tête baissée, honteuse.

J'écoute la conversation entre les deux Humains.

Arnaud: Tu es au courant que ce que tu as fait c'est inconscient ?

Jade: Oui. Je suis désolée. Je ne recommencerais plus.

Arnaud: Tu vas avoir une punition Jade.

Jade: Oui. C'est mérité.

Arnaud: Tu est interdite ici pendant dix jours.

Je vois les larmes de ma petite Jade qui coulent. Je m'approche d'elle. Je lance un regard noir à Arnaud. Il fait pleurer ma belle Jade. Ma Jade, si douce. Si fragile. Fragile comme une rose. Une rose douce à l'aspect inoffensif mais pleine d'épines.

Je me met entre lui et elle. Je pose ma tête sur l'épaule de ma maîtresse. Elle me carresse l'encolure. Elle enfouit sa tête dans ma crinière couleur de feu et pleure.

Pendant 10 jours je me suis ennuyé. J'étais sale. Je ne courais pas partout. Mais j'étais méchant envers Arnaud. Il m'apportais à manger, je le mordais. Il laissait trainer quelque chose, je lui volais. Et je n'arrêtais pas de m'enfuir en ouvrant le loquet de mon box.

Tant pis pour lui !