Chapitre 3

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La musique frappait dans mes oreilles. Sur la piste, Ava et moi dansions en nous tenant les mains, serrées au milieu des jeunes éméchés. La fête avait commencé depuis une heure déjà, et la salle de réception était remplie de personnes. Je fis un signe à Ava pour lui indiquer que j'allais chercher un verre et m'éloignais de la piste, jouant des coudes pour me faufiler entre les gens. Je croisais Cecily accoudée au bar , un verre à la main, essayant de se faire entendre d'un blond. Je me servis un verre avant de me diriger vers la sortie.


- Maya ! Ça va ? Tu vas bien ? M'interpella Jay en passant une main dans ses cheveux.


- Ne t'inquiète pas, répondis-je, je vais juste prendre l'air, j'étouffe dans cette pièce.


Il hocha la tête, satisfait de ma réponse et me sourit avant de repartir vers la foule.


Là bas, nous ne ressentions pas les différences de température. Le chaud, le froid, l'humidité ou la sécheresse étaient un vague souvenir pour certains, oubliés pour d'autres. Cependant, l'oppression de la foule était toujours présente.


Je m'assis sur le bord du trottoir, avalant une gorgée du liquide glacé.


- Salut Maya.
Je levais la tête vers la personne à côté de moi. Cameron.


- Salut.
Il me sourit doucement en s'asseyant à côté de moi.


- Joyeux anniversaire.


- Merci, murmurai-je.


Je levai la tête vers le ciel sans étoile. Je me souvins de ce jour où Cameron était venu me chercher. Ce jour où j'étais morte. Il avait été si patient avec moi, m'expliquant chaque chose calmement, comme si j'avais été une enfant. Après avoir accepté ma condition, on s'était éloigné malgré le fait que nous nous connaissions mieux que personne. J'avais été gênée de la façon dont j'avais réagis avec lui : j'avais crié, hurlé, pleuré, exprimant sans filtre tout ce que je ressentais. Mais il ne m'avait jamais lâchée, restant à mes côtés malgré les propos parfois durs et injustes que je disais, encaissant sans rien dire mes mots.


Ce jour là, assise sur ce trottoir, regardant le ciel rougeoyant sans nuage, je me disais qu'aucune personne même de mon vivant n'avait été aussi prévenante avec moi. Pas même Ava.


Cameron se leva, et me tendit la main.


- Tu veux faire un tour ?


J'acquiesçais et pris sa main.


- Comment tu vas? lui demandai-je.


- Plutôt bien, le conseil a recensé sept nouveaux venus hier et ils ne sont pas très coopératifs. Mais j'ai déjà vu bien pire, lança-t-il avec un regard dans ma direction.


- J'ai fini par m'intégrer, souris-je doucement.


- L'as-tu vraiment accepté ?


- Je ne pense pas pouvoir l'accepter un jour, soufflai-je en fronçant les sourcils. Je me demande tout les jours quelle est la raison de notre présence ici. Si nous étions vraiment dans l'au-delà, nous serions des millions. Or nous sommes à peine sept cent. Quelque chose m'échappe mais je n'arrive pas à savoir quoi.


- Tu te poses trop de questions, Maya, dit-il en me faisant face, tu es trop rationnelle. Le simple fait que nous soyons ici est irréel, pourquoi devrions nous chercher des réponses à toutes ces questions ? Je te l'accorde tout ça est bizarre, mais nous ne devons pas réfléchir en tant qu'être vivant, mais en tant que mort. Peut-être y a-t-il d'autres personnes loin d'ici ? Peut-être sont-ils dans un autre au-delà? Toutes ces questions sont sans réponses, mais en attendant de les trouver, nous nous devons de vivre cette autre vie comme une deuxième chance.


En regardant au fond de ses yeux sombres, je me disais que j'aimerais le croire. Sa vision des choses était idéaliste, et même si je m'efforçais de vouloir le croire, je n'y arrivais pas. Je ne pouvais pas abandonner l'idée que tout ceci était louche, et j'avais la conviction que nous n'étions pas ici par hasard. Peut-être que je me faisais des idées et que tôt ou tard nous connaitrions la vérité, une vérité dans laquelle nous serions heureux, insouciant et libéré du poids de la société. Mais mon coeur me disais croire en moi.


- Tu as raison, répondis-je après quelques instant. Profitons tant que nous sommes ici. Je ne voudrais pas regretter quelque chose que je n'aurai pas faite.


Il me sourit et repris notre marche nocturne. Nous nous redirigions vers le lieu de la fête qui avait été organisé en partie pour moi et que nous avions déserté. En entrant de nouveau dans le bâtiment, je vis Ava en train de danser au milieu de la foule, heureuse, avec un sourire de contentement sur le visage. En me rappelant les paroles de Cameron, je rejoignis Ava sur la piste, en me disant que, pour ce soir, j'allais un peu profiter de cette nouvelle vie.

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