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Avec le succès de L'Attentat, les séances de l'atelier d'écriture sont devenues beaucoup plus agréables. D'abord, j'ai recommencé à dormir la veille et le lendemain. Les insomnies se sont fait la malle en même temps que mes complexes. Je me suis détendue, j'ai accepté que je pouvais écrire de bons textes, et d'autres avec des faiblesses aussi. Paraître la meilleure a cessé de m'obséder : finalement, il suffisait d'être soi-même, de se faire confiance et de laisser parler la plume quand elle était lancée... Comme un caillou que l'on veut faire ricocher à la surface de l'eau : il rebondit, ou il coule. Peu importe.

La séance qui a suivi la publication de L'Attentat, l'enseignante nous a fait travailler sur Maupassant. Pourquoi ? Parce qu'il a écrit beaucoup de nouvelles, et que les nouvelles sont des textes courts. Elles sont donc idéales pour faire travailler des élèves en atelier. Vous imaginez si nous devions décortiquer un roman de 500 pages ? D'ailleurs, sachez, chers lecteurs, que vous n'écrirez pas un roman pendant un atelier, c'est juste impossible. Par contre, au bout de quelques semaines, vous pouvez espérer avoir produit une nouvelle de 3 à 10 pages.

Donc, nous voici partis sur Maupassant. Le principe de l'exercice est simple : la prof a pris un extrait d'une nouvelle (dont je vous donnerai le titre si vous êtes sages) et elle a supprimé les dialogues. A nous de les reconstituer ! Le problème, c'est que sans dialogues, on ne sait plus bien ce qui se passe ! L'extrait de la nouvelle de Maupassant est le procès d'une femme de chambre, accusée d'avoir tué son enfant.

Comme vous devez trouver des dialogues, mais que vous ne connaissez pas cette nouvelle de Maupassant, vous ignorez le fin mot de l'histoire. Pourquoi la femme de chambre a-t-elle tué son enfant ? Qui était le père ? Comment a-t-elle procédé pour cacher sa grossesse ? Où a-t-elle dissimulé le corps du bébé ? etc., etc.

Vous voyez, ce n'est pas évident. Je commence à réfléchir, réfléchir, relire le texte avec les gros blancs à la place des dialogues. Le texte restant donne bien sûr des indices : on y lit que le juge insiste, mais que la femme de chambre ne veut rien dire. Puis elle parle, et ses maîtres sont indignés. Cela signifie donc qu'elle a dit quelque chose de fort à ce moment là. Un vrai puzzle, bourré de trous qu'il faut remplir. Je me dis qu'en fait, il faut tout réinventer à la place de Maupassant. Et tant pis si ça ne colle pas bien, il faut se lancer !

Je commence à écrire mais je suis gênée par une participante qui parle avec la prof. Oh, elle m'agace celle-là !! Depuis le début des séances je l'ai repérée, une vraie fayotte ! Elle est prof de français, alors forcément, Madame Coralie a lu tous les livres, elle sait tout sur tout, et elle passe son temps à essayer de se faire bien voir de l'enseignante de l'atelier. Je n'en peux plus, elle m'énerve ! J'ai bien essayé de discuter avec elle une fois que j'étais arrivée plus tôt. Rien à faire : quel que soit le sujet que j'ai abordé, elle a tout ramené à elle. Sa petite vie, son petit collège, ses petits élèves à qui elle a fait faire ceci et cela, son copain qui a écrit un roman, et bla bla bla ! Cette fille se prend pour le centre du monde, c'est épuisant ! Coralie, tu me casses les bonbons ! Arrête de lécher par terre et ferme ton clapet !

L'atelier d'écritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant