Chapitre 2

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Alex

    Ses cheveux bruns, au milieu de son front, tombaient vers deux yeux sombres fixant intensément la vitre face à lui. Elle me reflétait légèrement tout en m'offrant une magnifique vue sur le paysage qui défilait sous mes iris. Je souris intérieurement ; le train m'emmenait loin de chez moi, à la capitale, Amestris, à l'autre bout du pays. Moi qui vivait dans le sud, me sentais libre à l'idée de m'éloigner de ma famille, un peu plus à chaque seconde. Plus personne ne m'empêcherait de vivre. Mais la règle persistait, même à distance : constamment vigilant, n'accorder aucune confiance aveugle, se montrer naturel.
    Quelqu'un avançait derrière moi, s'approchait. Il s'arrêtait à chaque siège, posait quelques questions, demandait aux gens de se lever et passait une petite machine devant leur corps. Celle-ci émettait un petit son, puis l'homme passait au suivant. Mon pouls s'accéléra, une goutte de sueur coula le long de ma nuque.
- Monsieur.
Je tournai la tête vers le grand homme, faisant mine de ne pas l'avoir entendu venir. Je lui donnai mon titre de transport qu'il observa rapidement.
- Levez vous s'il vous plaît.
Il semblait ennuyé. Je lui obéis.
    L'homme plaça le détecteur couleur acier devant moi et me parcourut de bas en haut. Un petit bruit s'échappa de l'engin.
- Vous pouvez vous rassoir, désolé du dérangement.
Je souris brièvement et m'installai à nouveau sur mon siège, contemplant l'adulte s'éloigner.
    J'avais eu peur, comme tout le monde. Si le test s'avérait positif, je serais considéré comme humanoïde, comme un monstre. Il arrivait qu'il y ait des problèmes avec la machine sur laquelle je dardais un mauvais œil ; elle ne me paraissait pas efficace. Je faisais des études scientifiques depuis quatre ans et étudiait ce genre de choses. Je n'y croyais pas.
    Ce type d'intervention était rare et il ralentissait le trafic. Évidemment j'étais tombé dessus.
    Je n'aimais pas arriver en retard. Ce serait le cas pourtant.
    À nouveau, je laissai mes yeux s'échouer sur le paysage. Si c'était beau ? Je n'avais pas la tête à ça.

    Une demi-heure... Je sortis donc d'un pas rapide et un peu raide. Le stress me prenait peu à peu. Je n'aimais pas vraiment l'inconnu - contrairement à mon cousin, le voyageur - et pour moi, la gare d'Amestris était un véritable labyrinthe. Ma condition m'offrait un bon sens de l'orientation, mais l'angoisse avait pris le dessus. Seule la présence des enfants pourrait m'apaiser.
    Et celle de Félix qui le faisait de grands signes au loin. Je lui adressai un grand sourire qu'il ne perçut sans doute pas à cause de la distance. J'accélérai le pas.
    Le blond fut le suivant à me remarquer. Il me sauta dessus.
- Alex ! Ça faisait longtemps !
- T'es en retard mon gars ! me réprimanda gentiment le petit brun.
- Ouais, je sais, désolé. Y a eu un contrôle.
Les visages se fermèrent un peu : personne n'aimait ces choses jamais très agréable.
    Je fis mine de juste remarquer les deux nouvelles déjà aperçues depuis longtemps. Nous nous présentâmes sommairement. Je devrai m'en méfier. Des deux.
    La première, blonde aux yeux mielleux et assez grande semblait crédule et agréable. Elle ne semblait pas dangereuse. Mais il fallait faire attention. Les apparences étaient trop souvent trompeuses. Erin.
    La seconde, peut-être un peu plus petite, portait ses cheveux noirs vers le milieu du dos, rien de gênant jusque là. Elle avait deux grands yeux d'un bleu abyssaux et particulièrement profond, mais chaleureux aussi. Et au fond d'eux brillait une étincelle d'intelligence. Des iris pétillants. Alice.
    Nous n'eûmes pas vraiment le temps de parler, les parents commencèrent à affluer, leurs enfants avec. Il s'agissait exclusivement de petits entre huit et douze ans, quand on ne juge pas encore vraiment, quand on ne regarde pas les autres, un âge où l'insouciance est encore maître.
    Je n'avais pas toujours été proche des petits, puis, un jour, j'avais compris qu'ils étaient ma seule attache au monde. En leur compagnie, le masque pouvait s'effriter quelque peu. Tout en subsistant audacieusement.

    Une bonne heure plus tard seulement, nous pûmes enfin respirer, assis dans les fauteuils rouges confortables du train. Face à moi, Erin, à ma droite, Cléo, et Alice en diagonale, près de la fenêtre. Eowyn et Félix discutaient, installés un peu plus loin.
    La gare commença à défiler sous nos yeux, dans un silence plus ou moins relatif - les enfants. Nous étions en route pour un autre pays, la Pixy.
    - Et donc Alice et toi étudiez ensemble ?
- C'est cela, assura la blonde.
-Quelles études ?
- Histoire.
Je préférais me taire et observer pour le moment.
- Nous passons en troisième année.
- C'est la spécialisation, non ? Une cousine a fait ça aussi... expliqua le grand.
- Effectivement, nous prenons toutes les deux la filière d'étude raciale.
Je comprenais désormais l'origine de mon malaise...
    - Et toi Cléo ?
- Du droit et toujours du droit. Je veux devenir avocat. Trois ans pour la licence et deux ans pour avocat. C'est ma dernière année.
La blonde, semblant plus bavarde, quoiqu'un peu timide, mais encouragée par son amie, se tourna vers moi.
- Et toi ?
- Je rente en troisième année d'école d'ingénieur. Je suis scientifique.
- Tu comptes partir à l'étranger pour ta dernière année ? s'intéressa la seconde.
- Oui, en Olwenny, à Freyja.
- C'est la ville de la technologie, c'est normal.
Je me ferai peut-être des amis là-bas...
    Je ne m'étais pas toujours fait discret et transparent... Cela avait commencé à mes douze ans. Le jour de mes douze ans. Le pire anniversaire de ma vie. Et une semaine plus tard, Ash m'avait quitté, m'avait laissé en plan. À jamais seul.
    Et je voulais que cela change.

Différent (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant