À La Frontière Des Rêves - Utopie

Chapitre 6

La chaîne enroulée autour de ses longs doigts fins, le cristal blanc oscillait au dessus du vide. Une trentaine de centimètre le séparait du sol où, s'il venait à tomber, il se fracasserait en milles éclats irréparables. Les Cristaux Paradoxaux, car c'était cela leur nom, étaient d'une fragilité étonnante quand ils quittaient la chaleur de leurs propriétaires lui avait expliqué Ambrëw.

Utopie lança le cristal au dessus de sa tête. La pierre virevolta avant que la fille ne la rattrape entre le pouce et l'index. Une fois de nouveau entre ses mains, le cristal se mit à luire d'avantage. Elle soupira et le raccrocha à son poignet gauche en faisant une boucle avec la chaîne.

Une poignée de jours s'étaient écoulés depuis sa visite du Manoir des Ombres et Utopie ne s'était toujours pas fait à la présence du cristal contre sa peau. Malgré l'étrange chaleur peu confortable qu'il diffusait, Ambrëw avait insister pour qu'elle le garde en permanence avec elle, insistant sur le fait que les Scientifiques ignoreraient sa présence. Pour l'instant il avait plutôt visé juste étant donné que personne n'avait encore remarqué sa possession du cristal.

Utopie ferma les yeux. Peut être parviendrait elle à dormir. Quoi qu'il en soit elle ne rêverait pas. Elle n'avait pas réussit à rêver depuis sa visite de l'autre Monde et, étrangement, elle sentait que quelque chose se passait là bas. Quelque chose d'important.

"Tu es trop encrée dans la Réalité. Tu n'es pas censé pouvoir rêver."

Les paroles d'Ambrëw tournaient et retournaient dans sa tête jour après jour. Des paroles cruelles sans avoir voulu l'être. Elle n'était pas faite pour rêver... Pourtant comment oublier son sentiment d'euphorie lorsqu'elle avait rejoint le Monde des Rêves elle même? Ce Monde lui était si familier! Pourquoi ne pouvait elle pas y aller? L'injustice lui tordait les entrailles.

Alors qu'elle bataillait pour trouver le sommeil réparateur qui lui manquait dans cesse, le bruit d'un doux sifflement lui fit ouvrir les yeux.

Un jeune homme s'avançait dans le couloir menant à sa cellule d'une démarche lente et chaloupée en sifflotant doucement. Ne lui accordant aucun regard, il tapa un code sur l'ordinateur de contrôle d'Utopie avant de poser sa main sur un écran. Un laser scanna sa main puis les commandes de l'ordinateur apparurent. Le garçon modifia quelques données et l'une des perfusions d'Utopie se tarrit peu à peu. Il changea quelques paramètres encore et, bientôt, Utopie sentit de nouveaux produits courir dans ses veines. Le garçon, qui semblait plutôt jeune, contrôlait l'ordinateur et donc, par la même occasion, la vie d'Utopie.

Incitée par l'aspect juvénile du garçon, elle le héla du fond de sa cellule. Il haussa un sourcil et lui jeta un coup d'oeil hagard avant de regarder de nouveau un écran. Vexée par sa réaction, Utopie se releva et agita une main en l'air.

-Hé..! HÉ! Je t'appelle! J'aimerais juste parler!

Il se retourna et siffla entre ses dents.

-Tait toi! J'ai pas le droit de vous parler.

Bien plus jeune que ce que la fille n'avait pu présager, il environnait les quinze ans ; et dire qu'elle lui avait donné la vingtaine quand il se mouvait gracilement entre les murs sombres! Éclairé par la lueur du néon et désormais visible de face, les traits encore doux de son visage transparaissaient. Il était plutôt grand et possédait une chevelure châtain brun soigneusement coiffée en biais. Ses yeux verts foncés étaient ourlés de longs cils noirs presque féminins. Il possédait une tenue des plus commune, jean bleu marine et chemise blanche, à l'exception de deux détails. Au dessus de son coeur était fixée la broche des R.S.S.C et autour de son cou il avait noué une cravate en lavallière de l'exacte même couleur que ses yeux.