Lundi 13 mars, 18:25 - Foyer des Davis
Le trajet en voiture en compagnie du journaliste avait été des plus agréable. Nous avions beaucoup parlé de moi et de mes projets pour l'avenir, mais aussi de la vie au lycée de manière générale. Je lui avais expliqué que je ne possédais que très peu d'amis et que les élèves d'Espérance n'étaient pas particulièrement enclins à aller à ma rencontre. Qu'ils avaient même tendance à me regarder de travers ou à chuchoter quand je passais non loin d'eux, sans que je sache réellement ce que je faisais de mal. Il faut dire que j'étais particulièrement à part, peut-être plus mature, et j'avais souvent l'impression d'être différent des autres gamins de cette ville, de ne rien avoir en commun avec la plupart d'entre eux. C'est pour cela que je rêvais d'obtenir ce fichu stage chez NEWS et partir étudier dans une école à l'autre bout du pays. J'avais besoin de prendre mes distances avec Myosotis, de fuir ces regards critiques pour enfin me révéler sans avoir peur du jugement. Peut-être me fourvoyais-je et que la situation serait la même ailleurs mais je préférais ne pas y penser, j'avais besoin de cette bouée de secours à laquelle m'accrocher.
Il avait été étrangement facile de me confier face à Martin, peut-être était-ce dû au fait qu'il n'était que de passage ou bien parce qu'il avait fait l'effort d'apprendre à me connaître, chose que peu de personnes avaient entreprise jusqu'ici. En sortant de la voiture, je lui fis un signe de main et il me répondit par un grand sourire, faisant apparaître ses belles dents blanches. Sa voiture redémarra et je vis le ténébreux bolide s'éloigner. Je pensais avoir remporté quelques points mais cela ne signifiait pas pour autant que la partie était terminée, loin de là, et je me préparais déjà mentalement pour le second round.
Je passai la porte d'entrée de la maison où j'habitais pour apercevoir ma mère près d'une des fenêtres du salon, elle était, comme toujours, tirée à quatre épingles et cela même quand elle n'était pas au cabinet du médecin où elle était secrétaire. Elle me lança un regard à la fois froid et interrogateur et je devinai qu'elle m'avait aperçu sortir de la voiture de Martin.
« Qui était-ce dans cette voiture de sport ?
- L'intervenant de cette semaine pour les cours de journalisme. Il m'a proposé de me déposer pour pouvoir faire connaissance et j'ai accepté. Il doit nommer l'élève qui effectuera un stage d'été chez NEWS d'ici la fin de la semaine... J'ai pensé que c'était un bon moyen d'attirer son attention et de prendre une longueur d'avance sur les autres élèves. »
J'étais souvent en train de me justifier de quelque chose face à mes parents de peur qu'ils n'interprètent mal – ou trop bien – une situation qu'ils pouvaient trouver douteuse. Avec eux aussi mes relations étaient complexes. De leur côté, ils avaient toujours souhaité avoir un garçon à leur image, populaire, investi dans la vie de quartier, en couple avec un sosie de ma mère et présent à l'église tous les dimanches auprès d'eux. Au lieu de ça, ils m'avaient eu moi, impopulaire, solitaire et allergique à la religion. Et ce n'était que la partie émergée de l'iceberg... J'étais gay de surcroît. Personne n'était au courant et je m'efforçais que cela reste ainsi. Ma vie était bien assez compliquée comme ça.
Ma mère m'étudia quelques secondes et je me surpris soudain à retenir ma respiration en attendant sa réponse. Je la vis faire une moue suspicieuse en plissant des yeux, elle balaya ensuite ses interrogations intérieures d'un revers de la main. Elle s'approcha de moi et me déposa un rapide baiser sur la joue, plus par habitude que par véritable tendresse, puis elle m'invita ensuite à la rejoindre dans la cuisine où elle avait préparé un en-cas composé de fruits de saison coupés en dés et disposés pêle-mêle dans un grand bol. Une fois assis je me mis à piocher des morceaux de kiwis et de pommes. Ma mère, installée en face de moi, me souriait l'air cruche et je savais par expérience que cela n'augurait jamais rien de bon. Je décidai donc de lui demander :
« Que me vaut ce sourire ?
- J'ai croisé la mère d'Emily au centre-ville tout à l'heure. Étant donné que vous n'avez tous les deux pas cours demain matin, je leur ai proposé de venir dîner avec nous ce soir ! Tu savais qu'elle chantait à la chorale de l'église ? C'est vraiment une chouette fille... »
C'était donc ça... Ma mère se mettait souvent à faire l'entremetteuse pour moi et elle se justifiait toujours avec les mêmes excuses quand je lui faisais comprendre que ce n'était pas son rôle, à savoir : « il est temps que tu rencontres une fille bien » ; ou alors : « j'avais ton âge quand j'ai rencontré ton père ». Je me demandais souvent si elle réagissait comme ça parce qu'elle voulait réellement me voir heureux en couple ou bien pour sauver les apparences. Je lui répondis par un simple hochement de tête et elle tapa dans ses mains, l'air excité, en continuant ses éloges sur Emily, la belle-fille qu'elle n'aura jamais. Qu'est-ce qu'elle pouvait être stupide. Je sortis mon téléphone portable de ma poche et composai un message à Barbara :
" FILE-MOI L'ADRESSE DE CETTE FÊTE. J'Y SERAI POUR 20H ! "
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Voilà ! Le premier chapitre de mon histoire est terminé. "CONTACT" parce que vous avez pu rencontrer lors de ces quatre parties, la plupart des personnages importants de mon roman ainsi que l'environnement où se dérouleront les faits. Je suis curieux d'avoir vos impressions sur les différents protagonistes... Que pensez-vous de Noah, de Barbara, Rachel et les autres ? Ou bien de Myosotis et son lycée particulier ? N'hésitez pas à commenter ou à venir en MP pour échanger. 😉
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Les Chimères
Misterio / SuspensoLa petite ville de Myosotis vit un véritable drame suite à la disparition d'une de ses habitantes. Élève à la prestigieuse école "Espérance", la jeune femme n'a plus donné signe de vie depuis une fête organisée par ses camarades, dernier lieu où ell...