Chapitre 1

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Carlos, jeune homme, beau, musclé, désiré de toutes les femmes qui le dévoraient des yeux avec une attirance particulière pour son entrejambe qu'il compressait fièrement dans des pantalons jeans serrés. Il les prenait toujours une taille en dessous, cela faisait mieux ressortir ses muscles qu'il sculptait à longueur de vie à la salle de musculation située juste au dessus de sa maison. Il avait découvert cette passion pour les muscles, le jour où avec Patrick, l'aîné de la famille Sounougnon, ils avaient loué l'espace vide que leur père avait réussi à monter au premier niveau de la maison familiale quelques années plus tôt. Cet étage de la maison, un ensemble de quatre murs surmonté d'un toit, était laissé à l'abandon depuis quelques années, les faux frères ne s'étant pas entendus sur l'usage qu'il fallait en faire. Patrick voulait y installer son atelier de couture et Carlos, un hypothétique salon de coiffure. Il n'avait pas fini son apprentissage, du moins, il ne l'avait même pas encore commencé mais savait exactement ce qu'il lui fallait comme local pour accueillir ses futurs clients. Après s'être déchirés des mois durant, soutenu chacun de son côté par les mères et sœurs respectives, la location du lieu à un tiers finissait de régler définitivement le problème. Le loyer comme pour le reste des appartements sera partagé à parts égales entre les enfants ( quatre de chaque mère).

Il avait vu grand le père Sounougnon quand il avait acquis sa parcelle dans ce quartier de Cotonou, certes déshérité mais auquel il promettait un bel avenir.
- Cotonou est le cœur du pays. Tout le monde veut y vivre alors qu'il y a peu de logements. Dans un avenir proche, même très proche, les gens seront obligés de s'installer dans des zones de moins en moins pratiques. Mêmes les terrains marécageux vaudront bientôt des fortunes.
Et Sounougnon André avait vu juste. Quand il achetait son terrain a aïdjèdo dans les années 80, ses amis le prenaient pour un fou. La zone était inhabitable pour tout citadin qui n était pas né là car il y avait bien des gens qui vivaient à Aïdjèdo et ses environs. Les toffins, populations de pêcheurs, sont selon l'histoire les premiers habitants de Cotonou. Ils s étaient accommodés à cet environnement car il était à la fois leur lieu de travail et de vie. Ils avaient rarement vu d'autres citadins intéressés par leurs quartiers généralement inaccessibles. Par temps de pluie, les eaux et leurs habitants batraciens, poissons, crabes et ordures prenaient possession des quelques voies d'accès. Le père Sounougnon profitait du coût extrêmement bas des terrains pour en acquérir deux autres situés à quelques cinq cent mètres de ce qui allait devenir sa résidence principale. Surtout qu'il avait appris dans les coulisses qu'une voie pavée passerait pile devant ses futures maisons.
- Cela ferait grimper en peu de temps les prix des terrains et des appartements dans la zone.

Il voulait y construire des appartements à louer accessibles aux couples intellectuels - comme lui - avec des enfants en moins tout de même, deux ou trois enfants au plus. Il visait spécialement les enseignants de collège et lycées, les policiers, des agents de mairie etc. Il avait réussi à faire pousser deux belles bâtisses en plus de la sienne. Toutes ses économies y étaient passées. Ce n'était pas encore grave, en fin de carrière comme inspecteur de police, il savait qu'il allait rentabiliser son investissement avec les loyers. En cinq ans à peine, il rentrerait dans ses fonds et aurait une retraite paisible.
- La vie, c'est comme la loterie, disait-il. Cent pour cent des gagnants sont des joueurs. Ceux qui réussissent dans la vie sont ceux intègrent la notion du risque.
Seulement voilà, le projet de construction de la route sur lequel comptait le père Sounougnon n'avait jamais vu le jour. Il avait mis en branle toutes ses relations pour essayer de faire bouger les choses. Rien n'y fit. La route passera sept rues plus loin, devant la résidence du ministre de l'intérieur qui avait réussi à en renégocier le passage. Sept rues plus loin, ça signifiait que les eaux de pluie seraient repoussées vers l'intérieur, précisément vers chez lui, ce qui n'arrangeait guère les choses. Les appartements de Monsieur Sounougnon perdirent toutes leurs valeurs. Plus aucun intellectuel ne viendrait prendre les clés d'aucun de ses logements. Qui voudrait habiter dans un coin pareil où l'accès au domicile par temps de pluie se faisait en pirogues? Sounougnon en fit une dépression. Il se résigna à louer aux autochtones, pour des miettes. L'AVC qu'il faisait cinq ans plus tard finissait de le rendre complètement impotent. Il vécut quelques sept années en plus avant de trépasser. Son héritage déchirait sa famille. Ses enfants, notamment Carlos et ses sœurs, issus des secondes noces du patriarche, voyaient en cette "richesse", la garantie de leur avenir.

Carlos traînait à longueur de journée. Il s'était acheté une moto "Dream wave", symbole d'une jeunesse branchée et quelque peu stable financièrement. Il flambait son argent de poche, dans les fringues et les filles. Il payait de temps en temps Mister D. ou Daniel - mais il préférait Mister D. , ça faisait plus chic - le propriétaire de la salle de musculation avec qui il s'était lié d'amitié. Vu le temps qu'il y passait, il y avait de quoi. Ils sortaient beaucoup ensemble le soir et dépensaient de plus en plus, Mister D. la recette du jour de sa salle et  Carlos, son argent de poche, sa part des recettes de loyer. Avec le phénomène de Gayman, ils avaient de plus en plus de concurrence dans les bars et boîtes de nuit branchés qu'ils fréquentaient. D'autres flambaient plus qu'eux et cela ne plaisait pas du tout à Carlos. Il fut fils de riche un jour, il avait un rang à tenir. Il avait de plus en plus besoin d'argent, et vite.
Il réfléchissait à tous les moyens faciles et rapides pour en avoir. Tout sauf un vrai travail. D'ailleurs avec son niveau d'études - troisième sans BEPC- et sans avoir appris un métier quel travail pourrait-il bien faire et gagner beaucoup d'argent assez vite? Pire, il n'avait aucune ambition. Le plus important pour lui était de plaire, de faire parler de lui.
Gayman, ce n'était pas son truc. Il ne voulait surtout pas se mêler à ces vermines. Et puis rester scotcher à un ordinateur en se passant pour un vendeur de l'étoile rouge ou Paul, un belge actuellement coincé en Afrique et qui aurait besoin de mille cinq-cent-euros, puis de trois mille pour retrouver son sol européen...non merci. Carlos voulait aussi de la discrétion. il ne fallait pas qu'on sache qu'il était à court d'argent, à par sa mère évidemment car elle était obligée de lui en donner toujours un peu plus pour éviter la colère de son fils. Carlos réfléchissait partout et tout le temps : sous la douche, sur le trône, sur sa moto. Il venait à en perdre le sommeil. Chaque sortie lui rappelait l'urgence de la situation.

Alors qu'il était sur sa moto, songeur, attendant au feu rouge du carrefour Saint-Michel, comme des dizaines d'autres motos, sous le soleil tapant et la pollution étouffante, la solution lui apparut comme une évidence. Elle s'était même révélée à lui, sans qu'il n'ait osé y penser auparavant. Elle est même venue le chercher, le tirant de sa rêverie du moment. Elle était impressionnante, forte, parée de toutes sortes de bijoux: boucles d'oreilles, colliers, bracelets, bagues sur tous les doigts, tous en or ; tout ceci monté sur un ensemble Léssi hors de prix. De grosses lunettes de soleil Chanel venait parfaire son look. Elle était confortablement installée sur le siège arrière d'un gros 4*4. Quand elle baissa sa vitre pour faire comprendre à Carlos qu'il lui avait tapé dans l'œil, celui-ci fut impressionné par l'imposante femme qui lui adressait un clin d'œil subjectif en retirant lentement et presque sensuellement ses lunettes. C'était l'air frais qui s'échappait du véhicule qui attirait l'attention du jeune homme sur la Mama. Elle lui tendit une carte de visite qu'il récupéra instinctivement.
- Appelle - moi et tu ne seras pas déçu! Nouveau clin d'œil subjectif.

Le véhicule démarra en trombe, tourna à gauche en direction du nouveau pont, feignit d'écraser un zémidjan qui lui lança aussitôt une injure connue de toutes les femmes arborant une richesse insolente:
- Ochinon! Agalèto!

Carlos Où les histoires vivent. Découvrez maintenant