3. Gigi la Folle & Famille Réunie

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Se sentir vide est un sentiment étrange. On ne ressent pas de peine, pas de joie, pas d'émotion particulière. On en juste trop perdu pour savoir où nous en sommes et quoi penser, trop perturbé pour traiter le surplus d'informations qui affluent à notre cerveau.
Et c'est dans cet état que se trouvait Rose en se moment-là.

Rose marchait droit devant elle, les bras ballants et les jambes trainantes, à chaque expiration, son souffle se mêlait à l'air glacial et formait un petit nuage blanc.
Elle avançait la tête baissée et l'esprit torturé, ne se stoppant que pour s'asseoir sur un banc chancelant devant la rivière qui entrecoupait la ville en deux, elle posa ses coudes sur ses genoux et la tête sur ses mains puis fixa l'eau couler doucement devant elle.

Dans sa tête se mélangeait tous les mots dits par Madame Mordy précédemment et la pauvre jeune fille tentait en vain d'y voir clair, mais autre chose la taraudait : Pourquoi Harney ne lui avait-il rien dit ? À elle ? Il ne pouvait pas espérer lui cacher cela indéfiniment de toute façons.
Son grand-père, son pilier dans la famille, celui auquel elle se confiait depuis le départ de Kurt ; il était malade, et seul lui savait à quel point.

Mais elle refusait d'y croire. Elle connaissait son grand-père, il ne pouvait pas aller si mal que ça si il ne lui en avait pas dit un mot, ce qu'il avait devait être guérissable.

« — Par tous les saints, qu'il fait froid dans ce pays de malheur - soupira une voix aux côtés de la jeune fille. »

Rose sursauta n'aillant pas vu la femme aux cheveux blonds vénitiens et au visage amaigrît qui avait pris place sur le banc à sa droite.
Elle la fixa un moment, fouillant dans sa mémoire afin de trouver si oui ou non elle connaissait cette femme.

Cette-dernière était vêtue d'habits souillés, froissés et entièrement gris, ses cheveux qui avaient sûrement été magnifiques autrefois étaient à présent attachés à l'arrière de manière négligée et de nombreuses mèches s'échappaient en lui couvrant le visage.

« — Je suis allée acheter des biscuits - poursuivit-elle en pointant le sac à ses pieds - vous en voulez ? »

Quelque chose semblait suspect avec cette femme bien qu'elle eut l'air parfaitement inoffensive, Rose déclina poliment son offre et se força à esquisser un semblant de sourire.
La femme hocha les épaules et plongea sa main dans le sac pour en sortir un biscuit qu'elle porta ensuite à sa bouche, Rose eut le temps d'apercevoir ses dents jaunies qui juraient avec ses lèvres rougies par le froid.

« — Comment vous appelez-vous - se risqua Rose à demander, essayant de dissiper le silence gênant en engageant la discussion.

— Mélinda - répondit la femme en arrêtant de mâcher et se tourna en direction de Rose qui pu enfin mieux voir les traits de son visage, cependant, cette femme ne lui disait toujours rien.

— En tout cas, c'est comme ça que j'aurais aimé que l'on m'appelle - elle haussa les épaules - donc si un jour tu dois m'appeler, appelle-moi Mélinda. »

Les sourcils de Rose se froncèrent d'incompréhension, cette femme ressemblait à un enfant coincé dans un corps d'adulte, sa manière de parler, la lueur dans ses yeux verts, ses habits et même sa façon de se tenir semblaient ne pas coller avec son âge apparent.

« — Mais ici, on me surnomme Gigi la...- elle fut coupée dans son élan par une autre voix s'exclamant :

— Maman ! Bon sang, où diable étais-tu ? »

Les Choix Qui Nous FontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant