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- La réponse est non, donc ?

- Oui, confirma-t-il assurément.

- Pourquoi m'avoir raconté tout ça ?

- Quand je vous ai demandé si je vous intéressais, vous avez éludé en me demandant à votre tour si ça me dérangeait. Je crois qu'on a besoin de bases stables tous les deux. Je préfère vous donner ma version des choses. Pour qu'au moins vous sachiez ce que je pense.

- Vous voulez dire que je suis mal à l'aise et que vous n'arrivez pas à savoir ce que je pense de tout ça ?

Il hocha le tête avec appréhension. Qu'allait-elle lui répondre ? Ils savaient tous les deux qu'il avait raison.

- Vous avez raison. Notre entente me laisse un peu coite, c'est vrai. Mais... en ce qui concerne ce que je pense... Je ne pourrai pas être plus claire parce que je ne sais moi-même pas ce que je pense. Je n'y ai pas accès.

- Vous n'avez pas envie de savoir ce que vous pensez de nous ?

- Si ! répondit-elle d'une voix tout à fait audible avant de chercher la vraie réponse à cette question.

Elle avait peut-être répondu un peu trop vite. Mais cela, elle ne pouvait pas l'admettre.

- Hm, se contenta de faire Marquand. Vous êtes quand même pas nette, Alice. Je sais pas, d'habitude, les femmes sont plus susceptibles de se questionner à propos d'elles-mêmes, elles analysent tout. J'ai du mal à croire que vous dérogez à la règle : surtout que vous êtes juge ! dit-il à très juste titre.

L'urgence d'une réponse vive pour effacer tout soupçon de mensonge (car c'en était un que de faire croire qu'elle ne se questionnait pas à propos d'eux) la poussa à répliquer :

- Chaque fois que vous vous prononcez à propos des femmes, vous faites une généralité ! Ne me dites pas que vous n'avez jamais eu d'histoire d'amour !

Le tout était joué, elle l'avait détourné. Et Marquand n'y voyait que du feu.

- J'ai eu plusieurs conquêtes, reconnut Fred en baissant la tête. J'en suis pas fier.

- Vous continuez ?

- De quoi ?

- De voir des femmes que vous n'aimez pas.

Il prit une grande inspiration. Et acquiesça.

Alice n'en revint pas. En changeant de sujet, elle ne pensait pas découvrir une part sombre de son amant caché.

- Fred...?

Elle chercha à le faire parler, il fallait qu'il s'explique ! Il ne valait pas ça ! Il n'était pas ce cliché de l'homme irrespectueux, misogyne et...

- Je sais, que c'est mal.

- Pourquoi est-ce que vous continuez ?

- Je penserais vraiment pas que cette conversation se finirait sur un procès.

- Qu'est-ce qui vous dit qu'elle est finie, notre conversation ?

- Vous allez m'en vouloir, je vous connais. Vous me méprisez déjà.

- Mais évidemment ! Je ne peux pas cautionner un tel comportement, surtout de la part d'un ami... Vous êtes sûrement raisonnable, alors il est de mon devoir de vous raisonner. Quelle est la raison à cette avidité de plaire à la gent féminine ?

- Ne revenez pas sur la réponse que je vais vous apporter.

- O.K., céda Alice, pressée de savoir.

- La femme que j'aime est la seule à qui je ne plais pas. Je pallie le manque d'elle, de son affection, de son attention.

- Et... cette femme, vous lui avez parlé ? Vous savez qui elle est ? s'enquit-elle tout en lourdeur. Vous connaissez son prénom...?

- Alice...

- Pardon...

Elle déglutit et les larmes lui montèrent. C'était à n'y rien comprendre.

- Vous n'allez pas me parler d'elle ?

Il releva le menton, la regarda droit dans les yeux.

- Non.

Ils continuèrent de se regarder, se demandant si l'autre avait encore des choses cachées à s'avouer, des vérités refoulées. C'était le moment. Ils étaient amis, c'était important d'alimenter le lien autrement que par les enquêtes pour se retrouver et les rires pour décompresser.

- J'espère qu'elle reconnaîtra votre juste valeur..., se permit Alice.

- Moi aussi.

Elle s'enfonça dans son siège. Était-il vraiment amoureux ? Ne la baladait-il pas comme elle l'avait fait à un autre sujet, avec lui ?

- Vous... vous la pensez amoureuse elle aussi ?

Il la regarda à nouveau, souriant tristement.

- Oui.

Interrogatoire d'amantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant