Chapitre 6 : Ce soir-là

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          Il était tard, je ne saurais donner une heure précise. Ce n'était certainement plus la nuit, d'ailleurs, mais plutôt le matin. Je n'arrivais pas dormir, j'avais essayé, pourtant, mais rien à faire, impossible de fermer l'œil. Alors, au bout d'un certain temps, j'étais monté sur le toit de la caravane Inazuma. Ceux qui habitaient ici en avaient profité pour passer la nuit chez eux. Ca ne me dérangeait pas vraiment de ne pas avoir un vrai lit et une chambre. Ce mini bus était devenu comme ma maison maintenant.

Des milliers d'étoiles brillaient en face de moi et je ne les quittais que rarement des yeux. Une telle pureté était magnifique et me faisait presque oublier. Juste une petite seconde, je réussissais à ne plus penser, à faire abstraction de la réalité. Et puis, une chose, n'importe quoi, me ramenait sur terre, c'était comme une gifle, ça faisait mal et je ne pouvais l'ignorer.

Un ricanement résonna dans l'air frais et pur de la nuit, mais je fus le seul à l'entendre, je fus le seul à en être témoin. Aiden. Je fermais les yeux, douloureusement. Il était toujours là, dans ma tête. Parfois, j'avais envie de me frapper la tête par terre jusqu'à ce qu'il me laisse tranquille. Mais je me retenais, c'était inutile, il ne partirait surement pas. Je respirais profondément, rester calme. Je devais rester calme. C'est ce qu'il voulait après tout, m'énerver, me faire sortir de mes gonds, me blesser. L'ignorer, c'est tout ce que je pouvais faire après tout, puisque j'étais incapable de faire mieux. Puisqu'il était plus fort que moi.

Le vent fit voler mes cheveux gris et je frissonnais. J'attrapais mes genoux et les serraient contre mon torse. Une voix féminine retentit :

-Pourquoi restes-tu dehors si tu as froid, Shawn ?

Je me retournais vivement. Celia me regardait, avec un petit sourire, la moue interrogative. Je haussais les épaules et elle demandait encore :

-Je peux venir ?

-Bien-sûr.

Elle s'installa à côté de moi et, pendant quelques minutes, aucun de nous ne se décidait à parler. Nous admirions tous deux la beauté des étoiles sans un mot. Puis, elle reprit, plus calmement, sans quitter des yeux le magnifique spectacle :

-Alors, pourquoi es-tu dehors ?

Je n'aimais pas me plaindre, je gardais toujours mes problèmes pour moi et je n'avais pas prévu de lui répondre. Mais elle insistait et, ce soir-là, je n'eus pas le courage de mentir encore une fois. Je n'eus pas le courage de sourire et de la rassurer, de murmurer ces paroles que, ni elle, ni moi ne croyaient. Ces paroles qui sonnaient faux, même à mes oreilles. Alors, sans que je puisse faire quoi que ce soit, mes lèvres formèrent déjà ces mots :

-J'avais besoin d'être seul.

Je serrais les points. Oui, c'était ça, finalement, j'avais juste besoin d'être seul. De pouvoir être celui que j'étais vraiment sans avoir le risque que l'on me voit. S'en suivrait alors des questions, trop d'attention sur moi. Non, ça, je ne le voulais pas.

-Tu sais, Shawn, tu n'as pas à avoir honte de ça, tu sais. Ca arrive à tout le monde, quand je ne vais pas bien, je m'isole et je réfléchis un peu. Ca fait du bien, de temps en temps et personne ne te jugera pour ça.

Ces mots ... C'était impressionnant comme les mots de ces personnes pouvaient être agréables. Je ne répondis pas, je ne savais pas quoi lui dire. Alors elle poursuivit après un soupir :

-Tu sais. J'ai aussi perdu mes parents, mais j'ai eu la chance d'avoir Jude, il était toujours là pour moi. Et puis, après, on a été séparé ... Nous avons été adopté par des familles différentes. Ca a été très difficile, il ne me donnait aucune nouvelle et j'avais vraiment besoin de soutien. Je m'isolais très souvent quand ça n'allait pas, ça m'aidait beaucoup.

Je l'écoutais attentivement, je savais qu'elle était aussi orpheline, mais j'ignorais les détails. Ca l'a touchait encore, j'avais entendu les trémolos de sa voix et malgré son petit sourire, elle retenait ses larmes. Je me mordais la lèvre. Elle avait été forte, elle avait surmonté cette épreuve. Et moi ? C'était risible et j'avais honte. Elle avait réussi là où, moi, je baissais les bras. Je serrais encore davantage mes genoux contre mon torse. Je ne devais pas craquer, surtout pas, pas devant elle ni devant qui que se soit, d'ailleurs. Une main se posa sur mon épaule, légère, presque pacifiste, je me raidis. Elle souffla :

-Shawn ...

Elle semblait chercher ses mots, un peu mal à l'aise. Je tentais de lire les expressions de son joli visage. De la gentillesse ? De la pitié ? Je ne le savais pas vraiment. Une brise glacée fit voler ses cheveux bleus foncés et elle les replaça derrière ses oreilles comme un mécanisme. Elle se lança, me regardant droit dans les yeux :

-Tu sais, si tu as besoin, à un moment ou à un autre de parler, chacun de nous est près à t'écouter. On veut juste t'aider et ...

Elle s'interrompit, inspira profondément et dit, ses joues pâles se colorant d'une couleur rosée sur ses joues :

-... Je suis là, tu peux compter sur moi.

La sincérité. Je lisais de la sincérité dans ses yeux bleus foncés bordés de cils épais. Je déglutis avec difficulté. Mon nez et ma gorge commencèrent à me piquer et ma vue se brouilla. J'allais craquer, j'allais détruire toutes ses semaines où j'avais tenu bond. Tous mes efforts détruits en quelques phrases, c'était trop facile, c'était trop simple. J'allais pleurer. Pourtant, je luttais encore, les muscles bandés, la mâchoire et les poings serrés. J'en tremblais, tout mon corps tremblait d'effort en plus de froid. J'allais réussir, j'allais y arriver quand, soudain, dans la noirceur presque opaque de la nuit, un rire moqueur retentit. Mais, encore une fois, personne ne l'entendit. Pourtant, il résonnait encore à mes oreilles, horriblement réel. Mon courage, ma détermination, ma volonté, fut réduit en miette, en un seul instant. Aiden avait tout détruit sur son passage, ne laissant plus rien derrière lui. Il lui suffisait d'un seul mot, d'un seul son pour me mettre à terre et il le savait. Je ne pus rien faire, des larmes chaudes coulèrent librement sur mes joues pâles.

Pourquoi ? Pourquoi faisait-il tout ça ? Qu'avais-je fait pour mériter une telle méchanceté de la part de mon propre frère ? Je ne savais pas, je ne savais plus. Des sanglots secouèrent douloureusement mes épaules et je ne pus bientôt plus me retenir. Je pleurais à chaudes larmes sans pouvoir m'arrêter. J'avais presque oublié la présence de Celia jusqu'à ce qu'elle enroule ses bras autour de mon cou et me sert contre elle avec à la fois douceur et fermeté. Je me raidis mais ne parviens pas à me contenir. Elle murmura, à mon oreille :

-Vas-y, laisse-toi aller Shawn, tu peux pleurer autant que tu veux.

Cette fois, je ne cherchais même plus à me retenir, à me battre contre plus fort que moi. Je n'en avais plus envie ce soir-là, avec ce froid qui mordait ma peau et le rire de mon frère qui était encore tout proche. Et, de toutes manières, je n'en avais pas la force. J'étais faible, encore une fois, comme ça, le nez enfoui dans la chevelure aux odeurs délicates de Celia, à pleurer toutes les larmes de mon corps. Mais, étrangement, ce soir-là, ça ne me dérangea pas.

Hey chers et chères lecteurs (lectrices) ! Le chapitre 6, aujourd'hui. Cette fois, j'ai carrément inclus un moment et des dialogues qui ne font pas partis de l'anime. Shawn se lâche complètement, et ce, grâce à Celia. J'ai pensé que cet épisode était nécessaire. Il ne pouvait pas tout garder sur ses épaules éternellement, c'était impossible. Je pense que pleurer l'a soulagé, mais le problème est toujours là. J'espère en tout cas que ce nouveau chapitre vous aura plu autant que j'ai aimé l'écrire.


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