SPEED (Terminé) Tome 1

Chapitre 2

Sitôt descendus du bus, Marion et moi allumons notre cigarette devant le lycée, avant de rejoindre Dylan et Jimmy, deux potes de notre classe.

— Salut Speed, tu peux me filer tes exos de maths, s'te plaît ?

Chaque matin, depuis des années, c'est le même rituel ! Je suis le fournisseur officiel des devoirs maison. Jimmy et Dylan ne sont pas méchants, ils abusent juste de mon jeune âge. Mais aujourd'hui, j'ai décidé que ça allait changer ! Le petit Tonio, qui est désormais en Seconde, n'est plus celui qui se laissait influencer par les élèves plus vieux du collège, ni celui qui cherchait désespérément à être apprécié... Finis les léchages de bottes pour gratter l'amitié ou les travaux scolaires gratuits. À partir de maintenant, c'est tout pour moi !

— Vous avez des clopes ? je réplique en les regardant tous les deux droit dans les yeux.

Non mais sérieux, je ne veux pas être un simple distributeur à devoirs ! Maintenant, il n'y a plus de potes qui vaillent ! Jamais plus je n'aiderai qui que ce soit... Oui, j'ai tendance à être excessif dans mes choix.

— Putain, tu me ruines ! pleure mon ami tandis qu'il ouvre son paquet pour compter s'il aura assez de cigarettes pour la journée.

Jimmy a commencé à fumer quand il a arrêté de se ronger les ongles. Depuis, il est complètement accroc, comme en témoignent ses doigts déjà jaunis malgré son jeune âge. Fumer différentes substances est son hobby dans la vie. Il a tout le look qui va avec. Les cheveux, négligemment coiffés, épais et frisés, aux reflets à la limite du roux, lui tombent souvent devant les yeux. Il a manqué plusieurs fois d'y mettre le feu en s'allumant une cigarette. Ses traits grossiers sont couronnés d'une incisive cassée. Il aime bien recracher la fumée par ce trou et c'est assez drôle à voir.

— C'est le deal ! Je ne file plus mes exos gratis ! Des clopes ou une pipe, je te laisse le choix !

Alors que je m'applique à rester sérieux, notre bande éclate de rire. Dylan en profite pour mettre une tape dans le dos de son ami pour le pousser à être volontaire. Marion se cache le visage avec une main pour rire discrètement alors que je jubile de ma répartie.

— Non mais va te faire voir, petit con ! lance Jimmy en me faisant un doigt d'honneur. Je préfère encore me prendre une heure de retenue.

La cloche sonne, nous indiquant que la journée commence, pour mon plus grand désespoir. Tous les lycéens attroupés devant le bâtiment flambant neuf se dirigent vers l'immense portail métallique ouvert. Depuis des années, la valse des bus qui desservent le lycée rythme la circulation de la grande avenue. Le ronron des moteurs nous pousse à hausser le ton et les abords du lycée sont extrêmement bruyants.

Je balance mon mégot dans une jardinière sous le regard furieux du CPE qui m'observe à travers ses lunettes. Dans son costume noir, le visage fermé, il salue chacun d'entre nous pour signifier sa présence et son implication dans l'établissement. Quel que soit le moment de la journée, je sens toujours ses yeux globuleux s'appesantir sur moi. Derrière son allure sévère se cache un homme au cœur tendre que j'ai un malin plaisir à narguer.

Ce matin, je l'évite autant que possible, mais malgré tout, il me repère au milieu des élèves.

— Bonjour Tonio, pas de mauvaise blague, aujourd'hui !

— Ah, bonjour m'sieur ! Pas plus que d'habitude... je lui lance par-dessus mon épaule.

Je traîne jusqu'au dernier moment dans la cour pour échanger avec mes amis sur la prochaine sortie de surf que nous ferons dès que le temps le permettra. En mai, il y a vraiment de très belles journées, mais en ce moment, la mer est trop agitée pour nous. Alors nous consultons chaque jour la météo en rêvant du prochain spot*.