Il y avait un homme qui s'asseyait tous les jours à la même table, près d'une petite fenêtre qui donnait sur un jardin.
Un grand arbre y poussait, ses branches bordées de feuilles à la surface desquelles s'épanouissaient mille nuances de rouge, d'orange et de jaune. Une légère brise venait les taquiner et de timides rayons de soleil les nimbaient d'un doux halo doré, leur donnant un air presque irréel.
Parfois l'une d'elle tombait.
Il la suivait du regard tandis qu'elle se détachait de sa branche et tournoyait doucement dans les airs, portée par un vent invisible, avant de se poser sur un lit de feuilles. Alors un pâle sourire fleurissait sur son visage.
Il arrivait chaque matin à la même heure, balayait la salle du regard puis se dirigeait vers la table à l'angle et s'asseyait.
Il commandait toujours la même chose. Un café noir et sans sucre. De temps en temps, il se laissait tenter par un croissant ou des toasts beurrés.
Il ne disait jamais rien. Quand Anne Martin lui parlait, il baissait les yeux et lui souriait timidement. Une légère rougeur colorait ses joues pâles.
Il avait en permanence un petit carnet noir dans sa poche. Quand il avait fini son café, il ouvrait son carnet, prenait un stylo et griffonnait pendant des heures. Au bout d'un moment, il levait la tête et demandait un autre café. Puis il se remettait à écrire et, perdu dans ses pensées, il oubliait de le boire. Anne Martin se demandait s'il était écrivain.
Parfois il s'arrêtait brusquement. Il jetait un coup d'œil par la fenêtre et demeurait pensif, les yeux dans le vague, imperméable au monde extérieur. Il semblait alors très triste et très seul.
Les autres serveuses riaient de lui. Elles disaient qu'il avait l'air stupide et qu'il fallait l'être pour rester assis là toute la journée. Anne Martin, elle, était triste pour lui.
Elle déambulait entre les tables, un plateau à la main, une cafetière dans l'autre et un sourire aux lèvres. Elle saluait les habitués, bavardait avec certains, attirait des regards. Et du coin de l'œil, elle observait l'homme près de la fenêtre.
Toute la journée, des gens entraient et sortaient. Anne Martin les accueillait chaleureusement, leur offrait du café, du thé et quelques douceurs. De temps à autres, elle s'amusait à essayer d'imaginer leurs vies.
Au bout d'un moment, elle s'asseyait sur un petit tabouret derrière le comptoir pour reposer ses jambes fatiguées. Elle buvait un verre d'eau fraîche, soupirait bienheureusement et se laissait aller à rêver un peu. Invariablement, ses pensées se tournaient vers l'homme près de la fenêtre.
Il lui laissait toujours un pourboire. Sa main plongeait dans sa poche et il en sortait quelques pièces qu'il faisait rouler entre ses doigts avant de les poser délicatement sur une petite soucoupe. Parfois, il les déposait directement dans sa main.
Il s'en allait tous les jours à la même heure, lorsque le soleil commençait à décliner. Il refermait alors son carnet, capuchonnait le stylo et les glissait dans sa poche. Puis il se levait doucement, sans faire de bruit.
Anne Martin terminait son service au même moment. Elle ôtait son petit tablier blanc, le pliait avec soin et le rangeait dans son casier. Puis elle revêtait son manteau si elle en avait un et sortait juste à temps pour le voir s'éloigner lentement, les épaules basses, le dos voûté. Elle le regardait partir jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'une ombre au loin ou qu'il tourne à un angle. Alors, elle rentrait chez elle, le cœur étrangement lourd et le visage fatigué.
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Lettres Mortes
Short StoryDans le parc, il y avait un bouleau qui perdait ses feuilles. Il ressemblait à celui au beau milieu du jardin qu'il aimait regarder à travers la fenêtre. Alors il s'asseyait sur un banc, il regardait le bouleau et il sortait un petit carnet noir d...