L'homme sur le banc

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L’homme du banc est une des rares personnes que j’apprécie vraiment, peut-être parce qu’il est comme moi, quelqu'un que l’on ignore, un humain devant lequel on passe tous les jours sans lui prêter attention, sans accorder le moindre regard.
Il demeurait assis des heures durant devant ce bâtiment de pierre grise usé par le temps, le regard ailleurs, un sourire venant quelquefois prendre place sur ses pauvres lèvres desséchées. Certains le prétendent fou, d’autres bon pour la maison de retraite. Selon moi, cet homme cherchait juste quelque chose…

Un jour, la curiosité laissant place à la raison, je me suis approché. Mon esprit regorgeait de mille et une questions et sans prêter attention aux murmures surpris des autres je m’assis le plus naturellement du monde.

Encore une fois, ses yeux se perdaient dans le vide à visionner une chose que moi, être vivant, je ne pouvais voir…

“– Bonjour, toi…

A l’entente de sa voix sourde, mon cœur rata un battement. Je tournai la tête vers celui-ci qui avait remarqué ma présence et fut ébahi de le trouver dans la même position qu'il y a cinq minutes.

– Quel âge peux-tu bien avoir ?

Je ne lui répondis pas, comme à mon habitude je demeurais en quelque sorte silencieux, mes pupilles fixées sur lui. Je voulais la réponse à mes interrogations.

– Tu te demandes ce que je regarde n’est-ce pas ?

J’opinai légèrement de la tête, impatient de comprendre.

– Alors essaye.

Interloqué qu’il me demande ça à moi et de la teneur que prenait la conversation, je manquai de m'en aller. Cependant quelque chose m’en empêchait. Tout en cet homme respirait une sagesse qui jusqu’ici m’avait été inconnue.

– Les gens croient déjà tout savoir… Mais ils ont si peu appris…

Sans prêter grande importance à ses paroles je restai figé sur mon point, sans parvenir à empêcher mon imagination de vagabonder ramenant à la surface d’anciens souvenirs, tels que la joie de ma première escapade, les moments de chamailleries avec mes frères et sœurs, ma première maîtresse...

– Les bons moments accordés par la vie sont une des premières raisons de vivre… “

Je ne revis jamais l’homme du banc. Décidé d’y retourner le lendemain je m’étais heurté à du vide. Chaque jour le même phénomène se répéta, un banc dénudé toute présence…
Ce phénomène m'inspirait un étrange sentiment, comme une boule dans la gorge, un nœud dans le ventre, pour moi qui ne l'avait connu que de visu avant de prendre mon courage à deux mains et d’aller le voir.

Ainsi je pris la décision de lui garder son banc, au cas où, s’il revenait… J’attendais là, les yeux dans le vague à fixer une chose que seul moi pouvait voir…

La raison de vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant