L'homme aux cicatrices

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Des pleurs, voici ce qui me réveilla.
Des pleurs.
Ils émergeaient d'un homme, assis là, le dos animé par des tremblements. Cette vision déclencha en moi une sorte de peine. Il me fallait l’aider, le réconforter,  je ne pouvais pas le laisser seul face à ses problèmes comme je l’avais fait pour la fille aux écouteurs. Car ne pas agir me ferait sentir encore plus coupable.
Je m’approchai donc, doucement et respectueux.

Quand il me remarqua, une expression de colère prit place sur son visage tandis qu’il agitait ses bras dans ma direction.

“– Dégage ! Va-t’en !

Pourquoi n’ai-je pas bougé ? Je n’en sais rien, peut-être l’instinct, le sentiment qu'il ne m'était pas permis de lui tourner le dos. L’homme stoppa ses moulinets et me lança un regard désespéré, les larmes continuant de perler.

– En quoi ça t’importe de toute façon ? Pourquoi ne pas aller voir ailleurs et vivre ta vie ?

Silencieux, j'attendis qu'il poursuive, car il avait clairement besoin de vider son sac.

– Dès qu’un humain fait face à un problème, il fuit. Vous pouvez lui annoncer que vous êtes brisé par le temps, il réagira pas pour autant, seul son propre intérêt l’intéresse. Là par contre, où ça devient plus intéressant c’est lorsqu'on lui annonce que vous venez de vous suicider, quel qu’en soit le moyen, en sautant d’un pont, d’un immeuble, en avalant des médicaments, en se pendant...
Là il s’en voudra, là il réagira et comprendra qu’un problème résidait. Mais ce sera trop tard.   
J’ai appelé à l’aide, mon cri muet ne fut pas écouté, seulement entendu. On y a assimilé ce qu’on voulait, “quelques mauvais évènements il va s’en remettre”, “ un ou deux sourires par-ci, par-là, il va bien”.

C’est trop tard, c’est fini. J’ai arrêté de croire en un soutien extérieur.

Sa phrase abouti, il se leva et sans plus de cérémonie reparti. Ce jour-là, j’accomplis alors une chose que je n’aurais jamais pensé faire depuis le temps que je demeurais sur ce banc. Je quittai l’endroit, et le suivit.
En me voyant, cette fois-ci ce n’est pas la colère qui s’est affichée sur la face de l’homme mais de l'étonnement, mêlé à une joie légère.

– Tu es sûr ? “

Ce sont les seuls mots qu’il a prononcés, dans l’attente d’un acquiescement de ma part.
Dès lors, nous nous dirigeâmes vers une destination m’étant aussi inconnue qu’elle devait l’être à lui-même...

J’ai saisi ce jour ci que si la vie nous réservait son lot de bonheur les malheurs s’y trouvaient également compris...

La raison de vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant