Les caramels et la fillette

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“– Tu regardes quoi ?

Surpris par l’intonation fluette qui s'adressait à moi, je sortis de mes songes pour poser mon regard sur un petit bout de fille haut comme trois pommes.

– Alors ?

Elle me fixait, d’une moue sévère, l'air d'attendre quelque chose. Je ne compris pas immédiatement ce qu'elle désirait, jusqu'à ce que mon cerveau m'envoie comme information qu’elle souhaitait une réponse. Chose qu'évidemment je ne lui apportais pas. Voyant qu’elle n’obtiendrait rien, elle s’asseya en soupirant à mes côtés.

– T’es pas drôle… On te l’a déjà dit ?

À nouveau, je demeurai silencieux. Exaspérée par mon mutisme, elle commença à balancer les jambes dans le vide. Ce mouvement synchronisé de ses deux membres me faisait penser à une horloge qui se trouvait dans mon ancienne maison.

– Tu en veux ?

Étonné, je fixai la pochette transparente qu’elle me tendait. Celle-ci semblait remplie à ras bord de ces sucreries que l’on nommait caramels. Je secouai négativement ma tête ronde : je ne pouvais me permettre un tel écart.

– T’es quand même un sacré rabat joie !

Elle en fourra un dans sa bouche, l’expression gourmande. Ses joues roses et ses lèvres remontées trahissaient son contentement.

– Ils sont bons, pourtant ! C’est ma maman qui les a achetés, elle connaît bien la dame de la boulangerie, donc du coup elles discutent ensemble et l’autre lui fait les prix moins chers.

À l‘écoute de son discours qui contenait quelques formules incorrectes, la réflexion me vint qu’elle devait à peine être dans la tranche d’âge des cinq-six ans.
D’ailleurs, où se trouvait sa génitrice ? Il était complètement insensé de laisser seule une petite fille comme ça !

– Et j'habite la maison là-bas ! Tu vois, c’est ma maman par la fenêtre ! Celle aux caramels ! tout en parlant, elle me désignait la dite maison, ce qui diminua légèrement mes inquiétudes.
Et aujourd'hui, c'est moi qui vais chercher Beth à la musique ! Tu sais elle apprend le violoncelle ici Beth !

Beth ? Sûrement une de ses nombreuses passantes qui ne m’accordaient pas un regard.

– Beth c’est ma sœur ! Elle est géniale et super douée, tu sais ? Mais elle peut pas aller à l'école car elle est malade. a seule chose que maman a accepté c’est la musique car elle voit que Beth est contente !  Pourtant tu sais moi j’ai dit à Beth de prendre des médicaments, le sirop à la fraise tu sais le bon là ! Mais ça marche pas qu’elle m’a répondu tu...

Une voix la coupa dans sa longue tirade.

– Lise ! Tu viens ?

Une adolescente aux lunettes rondes et au crâne recouvert d’un foulard attendait, l’air impatiente, mon interlocutrice du jour.

– J'arrive Beth !

Ces paroles prononcées, la petite m'adressa un sourire qui dévoila des dents imparfaitement alignées.

– À bientôt ! “

En sautillant, elle se hâta de rejoindre son aînée, à présent seul je les observais se diriger heureuses vers leur doux foyer.

Il ressortait une si belle innocence de cette enfant…
Et voir la joie étinceler dans ses yeux fut un des plus beaux cadeaux qu’on ait pu m’offrir...

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