Prologue

10.3K 679 83
                                    

Malsain

Abidjan 1992

Charlotte

Mon père est enfin rentré pour de bon au pays, nous allons pouvoir profiter de lui le restant de ses jours. Il se fait vieux et nous n'avons plus que lui parce que ma mère est décédée quand j'avais juste deux ans, donc je ne connais que lui et je suis très attachée à lui mais son travail ne lui permettait pas de rester sur place alors, il nous a confié à sa seule et unique soeur et j'avoue qu'elle nous a toujours bien traité ma soeur et moi.

Nous ne manquions de rien mais nous avions quand même besoin de lui, rien ne peut remplacer l'amour maternel comme paternel.

Je m'appelle Elisa Charlotte Gomis, j'ai 20 ans et je suis en licence en commerce international, je suis cadette d'une fratrie de deux filles. Ma grande soeur se nomme Louisa Eva Gomis, elle est mon ainée de huit ans, elle travaille comme directrice des ressources humaines dans une société de batiment.

Nous sommes d'origine sénégalaise de par mon père mais ma mère est ivoirienne. Mon père l'a rencontré lors d'une mission,ce fut le coup de foudre immédiat, il a été ébloui par sa beauté et il l'a épousé d'office, deux ans après, il est venu s'installer en Cote d'Ivoire on est né par la suite.

J'aimerai un jour découvrir mon pays et y vivre, pas que je ne me plais pas ici, mais je sens que ma vie est ailleurs.

Nous étions dans le salon, après avoir dégusté une succulente sauce aux poulets accompagnée de frites et de crudités concoctée par ma tante, nous devisions calmement, mon père nous racontait ses péripéties quand tout d'un coup, deux hommes en cagoule armés jusqu'au dents furent irruption dans le salon.

L'un posa une arme sur mon père en lui intimidant l'ordre de lui donner tout ce qu'il possédait, quant à l'autre, il me dévisageait avec une intensité qui me donna directement la chair de poule, je ne savais pas pourquoi mais il me faisait énormément peur.

Pourvu qu'ils prennent ce qu'ils sont venus chercher et qu'ils s'en aillent priais-je dans mon fort intérieur.

Par malchance, ma prière n'a pas été entendue car il s'est dirigé vers moi, a saisi mon bras, j'ai essayé de lui résister mais il m'a donné une de ces gifles dont je m'en souviendrai toute ma vie.

Ma joue était en feu, il m'a trainé comme un sac, m'a traité de tous les noms, je me suis débattue mais il était plus fort que moi, il s'est mis sur moi avec une telle brutalité, là j'ai senti que toute espoir s'était envolé alors je me suis laissée faire faisant voyager mon esprit ailleurs et il a accompli sa sale besogne ensuite ils sont repartis comme ils étaient venus laissant derrière eux une famille détruite et surtout une jeune fille anéantie.

Je me sentais souillée, sale, impuissante qu'avais je bien pu faire pour mériter cela? Pourquoi ça devait m'arriver à moi? Pourquoi mon Dieu? Pourquoi?

Depuis ce jour, ma vie ne fut plus la même, mon père était malade de chagrin et il mourut une semaine après l'incident. J'en voulais au monde entier, s'il y'a une justice divine là haut, alors elle devait bien être aveugle et sourde à mes supplications, elle venait de me prendre l'une des personnes les plus importantes de ma vie, mon socle, mon pilier, celui pour qui je me battais, celui à qui je voulais montrer qu'il n'a pas eut tort d'investir pour nous, celui à qui je ne pourrai dire merci pour tout ce qu'il a fait pour moi, comment vais- je vivre sans lui? Je refusais de vivre alors je me laissais mourir refusant de manger mais Dieu n'a pas voulu de moi, il ne m'a pas ramené auprès de mon papounet d'amour.

Et comme si tous ces malheurs ne suffisaient pas, je découvris que j'étais enceinte, moi enceinte d'un violeur? Non je ne pouvais tout simplement pas le croire.

Hélas chaque jour mon ventre grandissait alors je me suis résignée.

Ça me répugnait de porter l'enfant issu d'un viol mais ne nous a t-on pas appris dans notre religion qu'il ne faut jamais tuer un enfant parce qu'il n'a pas demandé à naitre.

Ma grossesse se passait comme un vrai désatre j'étais spéctatrice de ma propre vie et souvent malade, je ne mangeais pas et c'était limite si j'allais à mes visites n'eut été ma tante je n'aurais jamais fait de visite ni d'échographie, je ne ressentais rien de particulier pour ce petit être, je ne pouvais pas lui en vouloir parce qu'il n'a rien demandé.

Par une nuit pluvieuse, j'accouchai d'un enfant de sexe masculin, il était beau à couper le souffle et me ressemblait, c'est la moindre des choses que je puisse dire parce que je ne saurai jamais à quoi ressemble son salaud de père, il avait la même tache de naissance et au même endroit que moi, mais je savais que je ne supporterai pas de le voir grandir à mes cotés, c'était au dessus de mes forces, je ne pouvais tout simplement pas, alors j'ai prise une décision, celle de le donner en adoption.

Dès demain, je l'amènerai à l'orphelinat des soeurs catholiques d'Abidjan.

Le lendemain, je me suis réveillée très tôt pour accomplir ma tâche, ma tante essaya de me dissuader de l'amener mais je campais sur ma décision, ma soeur, elle était en colère, me traitant de femme indigne, égoïste et sans coeur, elle m'a même dit que je ne méritais pas d'être mère mais ces paroles ne me touchèrent guère, c'était comme si on m'avait sectionné la partie de mon cerveau qui me permettait de raisonner.

Je sortis de la maison sans un regard pour elles, je me devais de le faire sinon je n'allais pas m'en sortir.

Les formalités remplies, je laissais mon enfant derrière moi avec beaucoup de peine mais je savais que c'était la meilleure solution parce qu'avec moi ,il aurait grandir entre haine, rancune et ressentiment donc il n'y avait pas de place pour les regrets.

Avec ma soeur, on a pris le nom de famille de ma mère parce que le nom de mon père était sali a jamais et on ne voulait pas d'autres scandales.

Ma tante était anéantie, elle pleurait jour et nuit, mais il fallait qu'on prenne notre envol, qu'on prenne notre vie en main.

Un mois plus tard, je m'envolais pour la Norvège et ma soeur pour le Sénégal où de nouvelles vies nous attendaient, j'espèrais seulement que l'herbe serait beaucoup plus verte ailleurs, que je pourrais faire fi de tour cela et avancer, qu'un jour mon enfant pourrait me pardonner d'avoir été si lâche, que Dieu sera de mon coté cette fois ci.

MALSAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant