A coeur et à sang - Peter

Nouveau départ

Nous sommes  dans la nuit du dernier jeudi d'août.  Je pose un pied hors du taxi qui vient de me déposer dans une impasse isolée de Mystery Spell. La seule résidence du secteur est un immense manoir qui me fait me sentir toute petite et je ressens une inquiétude inexpliquée. Je sens l'air frais du soir parcourir ma nuque me donnant des frissons dans toute ma colonne vertébrale, lorsque je me décide enfin à pousser le grand portail en fer forgé. A ma grande surprise il ne grince pas. Je rigole intérieurement de ma bêtise ; le style de la bâtisse et de l'impression qu'elle dégage, je m'étais déjà projetée dans un film d'horreur cliché.

Dans la cour, je regarde autour de moi et tente d'identifier les éléments qui m'entourent ; des voitures parquées sur une allée goudronnées, une fontaine faisant face aux grand escaliers menant à la porte d'entrée, dont le bruit de l'eau apporte douceur et délicatesse dans cette soirée fraîche. Plus loin, un jardin qui a l'air de s'étendre sur des centaines de mètres. Tellement que je n'en vois pas le bout qui s'estompe dans l'obscurité. Malgré ma curiosité de l'explorer dans les moindres détails je ne suis pas rassurée de rester seule dans le noir. La lumière du jour devrait rendre les choses plus faciles. J'accélère le pas en trainant ma valise à roulette rouge sur l'asphalte et monte avec une pointe au cœur, les marches d'escalier qui me mènent vers ma nouvelle vie.

Sept mois plus tôt, je vivais une tragédie qui me fit remettre en question mon existence et mon avenir. Mon père avait pris des cours de pilotage qui avaient fait naître en une passion pour les petits avions. Il s'est lié d'amitié avec l'instructeur et ils partaient souvent ensemble accompagnés de maman en excursion à bord d'un petit avion privé du centre de formation. Un week-end, ils partirent en direction de Cuba. Ils avaient pris du retard sur leur planning de vol et furent pris dans une tempête. L'avion s'écrasa en mer. Personne n'a survécu. J'étais chez mon amie Ellie quand cela s'est passé. L'avion a été vite retrouvé grâce aux émissions radios. Je n'oublierai jamais les lumières bleues clignotantes qui éclairaient la rue lorsque je suis rentrée à la maison le dimanche soir. Je marchais tranquillement jusqu'à ce que je me rende compte que les véhicules étaient garés devants chez moi. Je me suis précipitée vers un agent pour lui demander ce qui était arrivé. La nouvelle me figeât sur place. Je n'étais plus capable de penser, et ne réalisait pas. C'est au moment où j'ai vu le regard désolé de cet homme que je me suis effondrée.

Il m'a fallu du temps avant que je ne m'en remette. J'ai pris de la distance avec mes amis, et je me sentais étouffer dans un endroit remplis de souvenirs qui ne m'aidaient pas à avancer. Je ne pouvais pas rester abattue, je ne le devais pas, et jamais, mes parents n'auraient voulu ça. J'ai décidé de changer de vie. J'ai recherché des universités qui me proposeraient des matières atypiques. Je suis tombée sur l'université de Mystery Spell, dont le cours de mythes et légendes étaient assuré par un grand chercheur de renom. Un cours complètement hors du commun avec un docteur enseignant dans la matière, il ne m'en fallut pas plus pour attiser ma curiosité et demander mon dossier d'inscription. Pour me permettre de financer mes études je décidais de chercher un petit boulot qui me permettrait d'avoir des horaires raisonnables pour assurer mes journées de cours et un salaire suffisant pour me payer mes études et mes frais quotidiens. C'est par hasard que j'ai trouvé une annonce pour un poste de fille au pair. Le meilleur compromis ! Pas de frais de déplacement pour aller au travail, peu ou pas de possibilités d'arriver en retard, la nourriture est prise en charge et intégrer une famille me permettrait de m'adapter plus facilement.

Et me voici, devant cette porte d'entrée à double battants aux poignées métalliques ressemblant à des démons. Un peu glauque ... J'attrape le grand anneau de laiton et martelle la porte.

Toc, toc, toc.

Le silence...

Toc-toc-toc.