3e mois. Novembre 1999

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Les injections sont devenues presque une banalité dans mon quotidien. Un peu comme nos engueulades tardives ou matinales, à SeokJin et à moi. Nous, le couple fusionnel, sans jamais de conflits depuis que nous étions dans notre petit cocon, nous en étions rendu à nous déchirer violemment presque tous les jours. 

Un jour il est persuadé que je ne l'aime plus et que je m'éclipse la journée sans donner de nouvelles afin de ne plus avoir à le supporter. L'autre, il pense  que je le trompe et que je part pour retrouver mon amant ou mon amante. La toute dernière option le dégouttait car il pensait que je trouvai son corps repoussant et que c'est ce qui me faisait me tourner vers les femmes une nouvelle fois. Je lui est pourtant répété que les femmes ne m'ont jamais attirées plus que les hommes. 

On s'est déchiré continuellement pour se retrouver toujours plus passionnément. Notre relation était devenue en l'espace de deux mois, totalement chaotique. Où était parti cet appartement chaleureux que je différenciait à mon retour de chez le médecin ? Le balcon fleuri avait peu à peu dépéri avec l'automne arrivant. Ces fleurs avaient fini par illustrer l'état de notre relation. 

Des mots doux susurrés à l'oreille constamment, comme une drogue, nous en étions arrivé au fameux « Je t'aime. Moi non plus. ». Notre comportement, déjà risible en privée l'était d'autant plus avec nos amis ou dans la rue. 

Nous portions tout deux ce masque d'orgueil et d'hypocrisie avec les autres. Dans ces moments là nous jouons nos propres rôles comme deux grands acteurs : les amoureux faussement transis. Mais quoi de plus simple quand nous avons vécu tant de moments ainsi ? C'était comme si nous avions préparés ces masques pendant des années afin de mieux se préparer à la première de notre grand spectacle.

Trois coups au plancher. Ouverture des rideaux. Entrée des acteurs de la Comedia de'll Arte. Arlequin et Pierrot, idiot au centre de la salle de balle. Pauvres âmes seules et déchirées. 

Pour m'échapper de tout ça, j'ai commencé parallèlement à fréquenter un groupe de soutien et un psychologue- nouvelle matière à disputes, sois dit en passant. Ça me fait du bien. Ça me rassure. Aucun n'a la même maladie que moi, certes, mais on se comprend. Il y a des cas de cancers en phases terminales, des cas d'atrophies du système nerveux, des survivants traumatisés ... Je suis l'un des plus jeunes mais ça me soulage de voir que je ne suis plus seul. Je peux compter sur eux et me reposer le temps d'une heure, en attendant de tout avouer à celui qui perd petit à petit confiance en moi. Je garde le sourire pendant ces instants. Après tout, tout ira mieux demain. 

Tout ira mieux demain _ n.jinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant