Apprends le désir/Impossible désir [sous contrat d'édition BMR]

Avant la nuit (4)

Le soir, je suis désespérée. Je n'ai pas envie d'être seule. Alors, j'appelle Noémie, ma meilleure amie à la rescousse.

Dans l'heure qui suit, elle débarque dans mon deux pièces.

Je l'accueille en pyjama avec une tonne de paquets de nourriture grasse sur la table du salon. Affolée par tant de mal bouffe, elle confisque mes chips.

— Tu veux prendre dix kilos ou quoi ? me morigène-t-elle.

Je boude pour la forme, elle a raison, mais je ne risque pas de le lui avouer. Elle s'assoit près de moi et me serre contre son l'épaule.

— Raconte-moi ce qu'il s'est passé.

— Je me suis fait larguer comme d'habitude, et il n'a pas écouté mes arguments.

— Ne me dis pas que tu as encore tenté de le retenir.

— Que voulais-tu que je fasse d'autre ? J'en ai marre de ne pas réussir à garder mes petits amis.

— Tu sais bien que cette méthode ne marche pas.

— Elle a fonctionné avec Jérôme.

En fait, elle a porté ses fruits, juste une semaine, car au bout de sept jours il avait changé son numéro de téléphone et m'avait bloquée sur Facebook. J'étais dans un de ces états. Noémie est venue tous les soirs m'écouter me lamenter sur ma vie qui ne valait rien.

— Tu as passé des jours à tenter de le joindre, tu l'as harcelé et il a fini par porter plainte. Tu ne devrais pas t'attacher aussi vite aux gars que tu rencontres.

— C'est facile à dire pour toi. Tu sors avec Louis depuis tes seize ans.

— Mais, je n'ai pas la chance de pouvoir baiser avec qui je veux quand je veux. Tu devrais te trouver un sex friend, pas d'attache, que du sexe.

Elle lève ses sourcils de façon suggestive. Je ris. Sa proposition est intéressante, pourtant je suis sûre que je finirais par tomber amoureuse du gars avec qui je ferais l'amour.

Je n'ai jamais été le style de fille à coucher comme ça. J'ai besoin de connaître un peu la personne avant de devenir plus intime. Alors, lever un mec en boîte ou sur internet très peu pour moi. Ce n'est pas mon genre.

Cependant, Noémie continue d'argumenter, m'énumérant tous les avantages du sexe sans attache. Je finis même par me demander si elle ne s'ennuie pas avec Louis. D'ailleurs, je lui pose la question, elle me sourit. Non, son Louis est parfait et il comble tous ses désirs. Si elle n'était pas ma meilleure amie, je la détesterais. Quoique, en ce moment j'ai très envie de la mettre à la porte. Elle me colle son bonheur sous le nez, alors que je suis déprimée. Mais elle a effectué tout ce chemin pour me consoler. Alors je détourne la conversation sur Noël et Donatello.

— Tu comprends, je n'ai rien à lui dire.

— Au fait, il est toujours aussi moche ton Donald ?

J'éclate de rire, Donald, c'est encore pire que Donatello comme prénom. On se connaît depuis l'enfance et elle a croisé mon demi-frère parfois quand elle venait à la maison.

— C'est Donatello.

— Tortue, canard, même combat.

— Pour le coup, le vilain petit canard s'est transformé en cygne.

— Sérieux, ça arrive ce genre de truc ? Pourquoi tu ne m'en avais jamais parlé ?

— Je n'en sais rien, je n'y ai pas pensé.

— T'as une photo ?

— Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'une photo de lui ?

— J'ai envie de voir à quoi il ressemble, maintenant.

Elle allume mon ordi.

— Il est sur Facebook ? demande-t-elle.

— Je l'ignore, je n'ai jamais vraiment fait attention.

La voilà qui pianote à toute vitesse, elle se connecte au site et cherche Donatello sur le réseau social. Dès qu'elle le trouve, elle émet un gémissement appréciateur.

— En effet, il a bien changé. Il est vachement sexy.

— Bof, il est potable.

— Pourtant, il n'y a pas cinq minutes, tu affirmais qu'il s'est transformé en cygne.

— Oui, mais c'était pour dire qu'il n'était plus repoussant.

Elle me place en face de l'écran.

— Regarde-le, tu appelles ça potable ? Moi, quand je vois un visage pareil, je dis baisable.

Je fixe un moment le cliché de Donatello, je l'observe vraiment. Ses yeux n'ont pas changé, toujours aussi noirs et bordés d'interminables cils. Ses cheveux bruns foncés légèrement trop longs sur ses tempes lui donnent un air négligé, cette impression est accentuée par sa barbe taillée court. Il sourit sur la photo, je ne le vois pas souvent sourire. Et je trouve que ça lui va bien.

— Arrête de baver, me taquine Noémie.

N'importe quoi ! Je ne l'admire pas, je le scrute. C'est que je m'apprête à lui répliquer, mais avant que je puisse ajouter quoi que ce soit, elle me coupe la chique.

— Je crois que tu devrais te le taper.

— Non, mais t'es malade ? Je te rappelle qu'on ne peut pas se sentir.

— Vous ne vous supportiez pas quand vous étiez gamins, nuance. Il est superbe ce gars, à ta place je n'hésiterais pas une seconde.

— Oui et comme ça papa et Véro feront une syncope. Et puis, il est veuf depuis à peine six mois. Je ne crois pas qu'il souhaite coucher avec qui que ce soit.

— Je note que tu te trouves des excuses, mais tu n'as aucun vrai argument.

— Je t'explique juste pourquoi ce n'est pas possible.

— Mais, tu n'as pas dit que tu n'en avais pas envie.

— Je te le dis, je n'en ai pas envie.

Elle effectue une moue dubitative, j'ignore comment la convaincre. Elle tripatouille encore un peu sur Facebook ;

— Et voilà demande d'ami envoyé.

— Si tu désires communiquer avec lui, ce n'est pas moi qui vais t'en empêcher, pense à Louis tout de même.

— Ce n'est pas moi qui l'ai invité, c'est toi.

Non, non, non. Elle n'a pas fait ça. J'accours à mon ordinateur. Je tente d'annuler, mais c'est trop tard, il m'a déjà acceptée.

— Maintenant, on a accès à ses photos. On va enfin en voir un peu plus, tu crois qu'il sera en maillot de bain ?

Sonnée par ce qu'elle vient d'oser me faire, je regarde avec elles les clichés sur la page de Donatello. Il y en a beaucoup d'Anne-Marie et lui. Malgré la différence d'âge, ils formaient un joli couple et ils semblaient très amoureux. Quand je réalise que plus jamais, il ne la serrera dans ses bras, ne l'embrassera, ne lui fera l'amour. Je suis triste pour lui. J'ai beau le détester, je ne lui souhaitais pas un tel malheur, cela doit être si dur pour lui.

Le pompon, c'est son dernier post.

Anne-Marie, depuis que tu es partie pas un jour ne passe sans que je pense à toi. Cette année, Noël va être difficile sans ton sourire pour me réchauffer.

J'ai envie de pleurer. D'ailleurs, j'écrase une larme au coin de mon œil.