Samuel Warren

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Je m'appelle Samuel Warren. J'ai 25 ans. Et je suis anatidaephobe.

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Comme pour tout le monde, vous vous demandez sans doute ce que ça signifie. Mais je pense que vous avez compris le principe: je raconte ce qu'il m'est arrivé puis vous faites une déduction et je vous dis ce que c'est. Ou vous allez voir sur Internet. Ou en bas de la page.

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Voila donc ce qu'il m'est arrivé.

C'était un jeudi après-midi. Ma sœur, Rachel, m'avait confié sa fille Ruby âgée de 3 ans pour aller rejoindre son ami qu'elle a réussi à garder depuis le lycée. J'avais donc décidé de passer l'après-midi dans un parc pas loin de chez elle. Ma sœur m'avait dit que ce serait bien de l'y emmener parce que Ruby connaissait ce parc et l'aimait beaucoup.

Nous nous sommes donc mis en route et une fois arrivés, j'appréciais beaucoup le lieu. Le parc était entourée de grands murs blancs qui avaient jaunis. Étonnement, ce n'était pas moche comme il le semble mais chaleureux. L'entrée, un grand portail en métal, donnait sur un petit chemin en terre bordé de pelouse et de fleurs. Plus loin, j'apercevais ce même sentier qui s'enfonçait dans un bois.

Ruby semblait connaître cet endroit et voulait suivre le chemin, ce qu'en toute logique, nous avons emprunté.

En suivant le chemin, nous sommes arrivés dans une grande clairière qui accueillait un lac en son centre. Un petit lac, certes, mais un lac tout de même. Le sentier en faisait le tour.

Tandis que j'observais le lieu, Ruby tira sur ma main pour m'entraîner avec elle. Je ravalais mon angoisse et me forçais à lui sourire. Je savais ce que cela voulait dire. Ils sont forcément là. Ils sont toujours près des lacs, c'est la raison pour laquelle je les évite toujours.

On avait donc continué à marcher. Ruby gambadait en rigolant. Elle zigzaguait devant moi en faisant l'avion, puis partait devant en courant avant de revenir tout aussi vite.

Elle me faisait rire et penser à autre chose mais c'était plus fort que moi. Mes pensées dérivaient toujours vers le même sujet, la même angoisse. L'angoisse qu'ils soient là, à m'observer.

C'était ça le plus terrifiant. Qu'ils m'observent.

Rapidement, nous sommes arrivés de l'autre côté du lac. Il y avait un petit ponton où était assis un pêcheur.

Nous nous y étions engagés. Ruby s'était agenouillée près du pêcheur pour regarder l'eau. J'étais juste derrière elle, pour la retenir en cas de chute. Le pêcheur nous regardait en souriant.

Mais je n'étais pas serein. J'en avais mal au ventre. Je les avais vaguement aperçu de loin, mais heureusement pour moi, ils étaient trop loin.

J'avais entendu un bruissement derrière nous, alors je m'étais retourné. Grave erreur. Il était là. Il me regardait.

Alors j'ai paniqué. J'ai reculé précipitamment et avant de m'en rendre compte, j'étais en train de couler dans le lac.

Je battais alors rapidement des pieds pour remonter à la surface et une fois que j'émergeais, je le voyais encore, juste en face de mon visage.

Je hurlais alors, mais je ne sais pas si vous avez déjà essayé de hurler dans l'eau. L'eau s'engouffrait dans ma bouche et je me sentais couler à nouveau.

J'entendais vaguement Ruby m'appeler et quelqu'un hurler d'appeler les secours.

Puis des bras m'entourèrent et me remontèrent à la surface. Je gardais les yeux clos, j'étais bien trop terrifié à l'idée de les voir à nouveau.

Les bras me hissèrent sur le ponton. J'ouvrais les yeux et toussais pour cracher l'eau qui restait dans ma gorge, puis serrais Ruby dans mes bras. Je la lâchais et remercia le pêcheur qui avait plongé pour me secourir.

Je me risquais à jeter un coup d'œil autour de moi et ce que je vis me glaça d'effroi. Ils étaient là, par dizaine, ils nous entouraient et semblaient nous observer. Des dizaines de tâches de brun et de vert. J'étais le seul à les remarquer. Le seul à les craindre.

Je sentais que l'air avait de plus en plus de difficulté à trouver mes poumons. Je suffoquais, je n'entendais plus les paroles du pêcheur. C'était à peine si je sentais sa main sur mon épaule, trop obnubilé par ma panique.

Je ne pouvais pas rester là. C'était impossible que je reste là, tout simplement inconcevable.

Alors je rassemblais mes dernières forces et mes dernières parcelles de courage. Je me relevais, attrapais Ruby dans mes bras et courais vers la sortie de ce lieu infernal.

Je courais le plus vite possible, en espérant être dans la bonne direction et en priant pour ne pas retomber dans le lac. Je ne voyais pas vraiment ou j'allais, ma vue était obstruée par les larmes qui dévalaient mes joues.

Il ne fallait pas qu'ils me suivent. Ils étaient ma plus grande peur, ma plus grande faiblesse.

Arrivés en dehors du parc, je m'autorisais à respirer. Je reposais Ruby sur le sol. Elle était un peu secouée mais semblait aller bien. Elle se collait à mes jambes pour me faire un câlin.

J'observais alors les alentours. Les gens le regardaient de façon étrange.

En même temps, si un jour je voyais un gars trempé, essoufflé et en larmes avec une petite fille de 3 ans, je me doute bien que je le regarderais bizarrement aussi.

Le regard des inconnus ne me dérangeait pas plus que ça. C'était leur regard qui me dérangeait.

Eux, qui vivent souvent près des lacs.

Eux, qui atterrissent dans un bruissement d'aile.

Eux, qui ont un plumage brun et vert.

Eux, dont la présence me terrifie.

Eux, dont le regard me paralyse.

Eux, les canards.

Je m'appelle Samuel Warren. J'ai 25 ans et je suis anatidaephobe. J'ai peur d'être observé par un canard.

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By elsago30

PhobophobieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant