Stanley Potter

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Je m'appelle Stanley Potter. Ouais, je sais, comme Harry Potter. Ça craint. Enfin, je ne me plains pas dans le sens où ça aurait pu être pire. Bonh, si j'avais eu ma lettre pour Poudlard, je dis pas... mais là, entendre à chaque fois que je croise quelqu'un : "Hé, Potter ! Tu me montres ta cicatrice !" ou autres conneries dans ce genre... vous pouvez comprendre que... bah ça craint un peu. Enfin, vous allez bientôt comprendre qu'il n'y a pas que ça qui craint chez moi. Donc, je m'appelle Stanley Potter, j'ai 29 ans (donc plus l'âge d'aller à Poudlard...), je suis un cœur à prendre (autre moyen pour dire que je suis célibataire) et... je raffole des tartines Nutella-fromage. Quand je disais que je craignais... Pourtant, ce n'est pas le pire, croyez-moi. Vous ne me croyez pas ? J'avoue que les tartines Nutella-fromage, c'est un peu bizarre mais je vous assure que c'est une vraie tuerie ! Vous n'êtes toujours pas convaincus ? Ok, je passe au vif du sujet. Je m'appelle Stanley (je parie que mon nom, vous l'avez retenu) et je suis sidérodromophobe. Et même si ça fait la troisième fois que j'utilise cette expression, ça craint mais là, ça craint vraiment.

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Si vous êtes une personne normale (si, si je vous assure que je peux en faire parti !), vous ne savez sûrement pas ce que ce drôle de mot signifie. Tâchez d'être attentif à ce qui va suivre et vous devriez être éclairés assez rapidement. Si d'ici là, on ne s'est pas égaré à King's Cross (vous comprendrez plus tard que ce n'est pas juste une référence bidon à mon nom de famille, manquerait plus que je m'y mette aussi...).

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Je jetai encore une fois un regard sur l'écran de mon portable, où s'affichait le lieu et l'heure du rendez-vous. On pouvait lire :

King's Cross Station

Platform 11

8:45 am

Je verrouillai mon téléphone et reportai mon attention sur le grand bâtiment qui s'élevait devant moi. Sérieusement, la gare dans Harry Potter était bien plus impressionnante que celle-ci. Bref.

J'habitais à Londres depuis quelques mois maintenant, depuis que je travaillais pour cette nouvelle start-up. Ce nouveau job me changeait de mon statut de postier en France et il me plaisait plutôt bien. Il me restait plus qu'une seule chose à faire, et non des moindres : améliorer mon anglais. J'étais plutôt doué mais pour l'accent... il ne faut pas oublier que je suis français quand même. Pour info, j'y suis allé en avion à Londres. Pas en Eurostar.

Il était 8:15 am. J'avais donc une petite demi-heure avant LE rendez-vous. Je tapai du pied au sol, à la fois impatient et angoissé. J'allais aujourd'hui faire la connaissance de mon nouveau patron et je dois avoué que je flippais un peu. Il n'y avait pas de raison que ça se passe mal. Sauf à cause du lieu. King's Cross. Sérieux.

À la demi, je pris une longue inspiration et m'engouffrai dans les bâtiments en murmurant dans ma barbe : calm down, Stan, relax. Avec mon accent de merde, ça donnait un charabia incompréhensible. Mais bon. Je sentais mon cœur commencer à s'accélérer dans ma cage thoracique et un drôle de goût envahir ma gorge. Le goût de la panique. Je traversai le large hall d'accueil, mon regard se perdant parmi la foule de personnes. Des personnes qui patientent. D'autres qui se retrouvent. Certaines qui se quittent. D'autres encore qui traînent leurs lourdes valises. Et moi, en costume fraîchement repassé, les oreilles sifflantes et le cœur dans tous ses états. Je m'arrêtai devant un plan des lieux et repérai le quai 11. Un bref regard à ma montre m'apprit que mon nouveau patron arrivait dans moins de dix minutes. Je fermai les yeux quelques secondes, m'obligeant à respirer calmement. Puis, calmé, je pris le chemin menant jusqu'aux quais.

Soudain, les fondations du bâtiment se mirent à trembler et un bruit sourd résonna dans la haute architecture de la gare. Je me figeai, ma gorge se resserrant brutalement. Mes mains se mirent à trembler. J'entendis un sifflet retentir non loin, un train entrait en gare. Juste ça. Fébrilement, je plongeai ma main de ma poche et sortis mon portable. Juste histoire de vérifier une dernière fois le lieu et l'heure du rendez-vous. On ne savait jamais... J'étais arrivé près des quais et reportai mon attention sur les lieux pour localiser le quai 11. Un immense train était à l'arrêt sur le quai 9. Mon cœur bondit. Calm down... Je me faufilai parmi une foule d'anglais de plus en plus compacte et excitée et profitai de l'ombre d'un pilier pour me caler et regarder mon téléphone. Un nouveau message s'affichait. Je déverrouillai l'écran ; c'était un message de mon patron :

Meeting moved in Oxford. Take the next train, platform 11. Departure : 9am. Ticket already paid. See you soon.

Je faillis lâcher mon téléphone au sol, tant mes mains tremblaient. Non. Non. Non. Ce n'était pas possible. Je sentais le moindre de mes muscles se raidir. Tel un automate, je me dirigeai vers la plateforme 11. J'allais y arriver. J'allais le faire. Pas de souci. Il n'y avait aucune raison que...

Je fis demi-tour et partis en courant. Je ne pouvais pas, je ne pouvais pas. C'était au dessus de mes forces. Bien au dessus. J'étais terrorisé. Totalement paralysé par mes émotions. Je me ruai sur les quais, ignorant les regards perplexes des voyageurs. Je ne les voyais pas, je ne voyais plus rien. Je fuyais. C'était la seule chose que je savais faire. Fuir. Fuir. Et fuir encore.

VLAN !

Je sentis une vive douleur me parcourir la tête. Quand je rouvris les yeux, j'étais par terre. Comment étais-je tombé ? Je portai une main à mon front, là où la douleur était la plus forte. Je saignais. Qu'est-ce que... ?

Soudain, j'entendis une voix d'enfant crier, hilare :

-Hey mum ! Look at him ! The man thinks he's Harry Potter !

Encore Harry Potter, j'étais maudit. Mais pourquoi parlait-il du sorcier en fait ? Il ne connaissait pas mon nom, à ce que je sache... Je levai les yeux en l'air et compris enfin pourquoi j'étais à terre. Je m'étais mangé un pilier. Littéralement. Non ne rigolez pas maintenant. Parce que ce n'était pas n'importe quel pilier. C'était celui qui portait les chiffres 9 et 10. Le 9 3/4 en somme.

Reprenant peu à peu mes esprits, je me remémorai soudain de pourquoi j'étais entrain de courir comme un fou dans la gare. Le RDV. Déplacé. À Oxford. Le train quai 11. Merde. Je me relevai, imperméable aux regards des autres personnes autour de moi. Je quittai les quais et me retrouvai au cœur du grand hall. Je slalomai entre les voyageurs, toujours aussi étonnés de me voir. Je pouvais les comprendre. J'avais l'air ridicule. J'avisai un plan de la gare et me ruai à droite. Je longeai un couloir puis dévalai des escaliers... pour me retrouver devant des toilettes. Ok, je voulais juste sortir d'ici mais j'avais dû me planter dans la lecture superficielle du plan. Tant pis. Je m'enfermai dans une cabine et me passai le visage à l'eau. Je crois que je pouvais faire une croix sur le RDV... Je levai les yeux vers le miroir. C'était une blague ?! Je m'étais ouvert le haut du front, au même endroit que... Putain. Les gens auront encore moins de gêne à me confondre avec le sorcier. Merci, JK Rowling. Tout ça à cause de ma panique, tout ça à cause de ma phobie.

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Je m'appelle Stanley Potter, je suis sidérodromophobe. J'ai peur de prendre le train. Et pas seulement le Poudlard Express.

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By @PetitKoalaIndiscret


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