Prologue

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  - Les douze coups de minuit sonneront bientôt. J'ai hâte de voir les masques tomber pour découvrir enfin qui vous êtes, affirma le prince.
  - Les masques doivent tomber ? demanda-t-elle, alors que l'angoisse lui serrait soudain l'estomac.

Juste à cet instant retentissait la dernière note de la valse. Chacun salua son partenaire et laissa sa place ou s'apprêta pour la prochaine danse qui ne tarderait pas à commencer.

  - Je dois partir, je suis désolée !

Il lui attrapa la main et la tira vers lui. Le temps sembla soudain s'arrêter : il n'y avait plus qu'eux deux dans la salle, rien qui ne puisse les déranger. Il ne voyait qu'elle : ses yeux turquoise aussi profonds que l'océan, ses lèvres framboise qui dessinaient de jolies fossettes au coin de ses joues, ses longs cheveux rouges ondulés encadrant son visage à la peau aussi douce qu'un pétale de rose et caché par un masque orné de perles nacrées et de coquillages, sa silhouette fine et gracile,... Le tout la rendait encore plus mystérieuse. Pas même les autres Vénus présentes à ce bal n'auraient pu lui faire détacher son regard de sa belle inconnue.
Pourtant, seul le premier coup de minuit parvint à détruire cette magie. Dès qu'elle l'entendit, elle s'agita et le regarda d'un air désespéré.

  - Je suis vraiment désolée...  murmura la jeune femme qui enleva délicatement sa main de la sienne avant de prendre ses jupons et de s'enfuir, bousculant les invités au passage.
  - Revenez ! Ne partez pas ! lui cria-t-il.

Sans réfléchir, il s'élança à sa poursuite et dévala les escaliers aux rampes dorées. Elle, elle continuait de les descendre ne prêtant pas attention à ce dernier qui gagnait du terrain. Soudain, elle trébucha et perdit sa pantoufle de verre. Leurs regards se croisèrent, le prince l'implora silencieusement de rester, avant que, détournant le regard pour cacher les grosses larmes qui roulaient sur ses joues, elle continua sa course jusqu'à la sortie du château au bord de mer. Il ramassa le petit escarpin, le tint doucement mais fermement en main avant de poursuivre à nouveau sa belle inconnue jusqu'aux grandes portes.

Lorsqu'il dépassa l'entrée principale, les embruns marins lui fouettèrent le visage mais il ne trouva nulle trace de la jeune femme. Il marcha jusqu'au ponton tout en continuant de la chercher frénétiquement du regard mais elle s'était évaporée dans les brumes nocturnes. La lune inondait l'océan de lumière argentée et il se perdit dans la contemplation des reflets multicolores de la pantoufle de verre magnifiquement ciselée, le seul objet lui appartenant qu'il avait bien l'intention de conserver et de rendre à sa propriétaire. Parole de prince !

La sirène de minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant