21. Amor, Tequila y Mariachi

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Elle était belle comme la femme d'un autre
Paule Morand

Boutique de l'hôtel
Deux heures plus tard

— Allez ! Arrêtez de faire l'enfant ! ordonna Billie en me tirant par la manche.
Pourquoi voulez-vous me faire entrer là-dedans ?
— Parce que vous avez besoin de nouveaux vêtements !
Devant mon refus, elle me poussa dans le dos et je me retrouvai aspiré par la porte à tambour qui me propulsa dans le hall luxueux du magasin de l'hôtel.
Vous êtes malade ! criai-je en me relevant. Et ma cheville ! Parfois on dirait que vous avez du yaourt dans la tête !
Elle croisa les bras à la manière d'une institutrice sévère :
Écoutez, vous êtes habillé comme l'as de pique, votre peau n'a plus vu un rayon de soleil depuis six mois et la longueur de votre coupe de cheveux laisse supposer que votre coiffeur est mort l'année dernière.
— Et alors ?
— Alors, il va falloir changer de style si vous voulez encore plaire à une femme ! Allez, suivez-moi !
J'emboîtai son pas de mauvaise grâce, peu disposé à me livrer à une séance de shopping. L'immense salle, dominée par une coupole de verre qui n'avait rien de mexicain, rappelait plutôt la décoration Art nouveau des boutiques chic de Londres, New York ou Paris. Suspendus au plafond, des lustres en cristal alternaient avec des photos géantes, vaguement artistiques, de Brad Pitt, Robbie Williams et Cristiano Ronaldo. L'endroit respirait le narcissisme et la vanité.
Bon, on va commencer par les soins du visage, décida Billie.
Les soins du visage... soupirai-je en secouant la tête.
Tirées à quatre épingles, les vendeuses du rayon cosmétique donnaient l'impression d'avoir été clonées. Elles nous proposèrent leurs services, mais Billie – qui semblait à son affaire au milieu des parfums, des crèmes et des lotions – déclina leur proposition.
La barbe négligée et le look Cro-Magnon, ça ne vous va pas du tout, trancha-t-elle.
Je m'abstins de tout commentaire. Il est vrai que, ces derniers mois, je m'étais laissé aller.
Elle attrapa un panier et y jeta les trois tubes qu'elle avait choisis.
Laver, exfolier, purifier, énuméra-t-elle.
Elle changea de rayon tout en continuant ses remarques
J'apprécie beaucoup vos amis. Votre copain, c'est un drôle de type, non ? Il était tellement ému de vous revoir... C'était touchant.
Nous venions de passer les deux dernières heures avec Carole et Milo. Nos retrouvailles m'avaient fait chaud au cœur et il me semblait que je remontais un peu la pente.
— Vous pensez qu'ils ont cru à notre histoire ?
— Je ne sais pas, avoua-t-elle. C'est difficile de croire à l'incroyable, non?

Piscine de l'hôtel
Jimmy's Bar

Abrité sous une paillote de chaume, le bar dominait la piscine et offrait une vue spectaculaire sur la mer et sur l'incroyable parcours de golf qui déroulait ses dix-huit trous le long de l'océan.
Alors, tu en penses quoi de cette Billie ? demanda Carole.
Elle a des jambes à faire sauter les boutons de braguette, affirma Milo en buvant à la paille une gorgée de son cocktail servi dans une noix de coco.
Elle le regarda avec consternation.
— Il faudra que tu m'expliques un jour pourquoi tu ramènes tout au cul...
Il haussa les épaules comme un enfant qu'on viendrait d'engueuler. Devant eux, le barman secouait vigoureusement son shaker, préparant avec emphase le « Perfect After Eight » que Carole avait commandé.
Milo essaya de poursuivre la conversation :
Bon, et toi, ton opinion ? Tu ne vas pas me dire que tu gobes cette histoire de personnage de roman tombé d'un livre ?
— Je sais que ça paraît dingue, mais j'adore cette idée, répondit-elle, pensive.
J'admets que la ressemblance physique est troublante, mais je ne crois ni aux contes de fées ni à la magie.
D'un signe de tête, Carole remercia le serveur qui venait de poser son verre sur un plateau. Puis ils quittèrent le comptoir pour descendre vers les bassins et s'installer sur deux transats.
Que tu le veuilles ou non, avec sa galerie de personnages blessés, l'histoire de la Trilogie des Anges a quelque chose de magique, reprit-elle en regardant l'océan.
Portée par son élan, elle fit part à Milo de sa conviction profonde :
Ce livre est différent des autres. Il déclenche une prise de conscience chez les lecteurs, en leur révélant des lignes de faille, mais aussi des ressources dont ils ne soupçonnaient même pas l'existence. Autrefois, cette histoire m'a sauvé la vie et elle a changé à jamais la trajectoire de nos existences en nous permettant à tous les trois de quitter la cité.
— Carole ?
— Quoi ?
— Cette fille qui se fait passer pour Billie est une intrigante, c'est tout. Une nana qui profite de la faiblesse de Tom pour essayer de le plumer.
— Comment veux-tu qu'elle le plume ? s'exclama-t-elle. Par ta faute, il ne lui reste plus un radis !
— Arrête d'être aussi méchante ! TU crois que c'est facile pour moi de vivre avec cette responsabilité ? Je ne pourrai jamais me pardonner d'avoir tout fait foirer. J'y pense jour et nuit. Je cherche depuis des semaines une façon de me racheter.
Elle se leva de sa chaise longue et le regarda avec dureté.
Pour un mec écrasé par la culpabilité, je te trouve bien tranquille avec tes doigts de pied en éventail, ton chapeau de paille et ton cocktail à la noix de coco.
Elle lui tourna le dos et s'éloigna vers la plage.
Tu es injuste !
Il sauta de son transat et courut après elle pour essayer de la retenir : — Attends-moi !
Dans sa course, il glissa sur le sol mouillé et partit en vol plané.
Merde ...

La filleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant