Chapitre 2 : Qui est-il?

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Je courais à toute vitesse à travers les champs. Je savais ce qui m'attendait au bout du chemin, je savais qui m'attendait. Un pied devant l'autre, je filais à toute allure, car je ne pouvais pas me permettre de le perdre, pas cette fois. Même si les ronces m'écorchaient les jambes et que j'étais à bout de souffle, je continuais de courir. Mon cœur me disait de ne pas m'arrêter, mais de toute façon, même si je l'avais voulu, je n'en aurais pas été capable. Mes jambes tremblaient sous l'effort que mon corps tentait de fournir pour suivre la cadence. Je n'avais pas la force d'arrêter. Pas à pas, enjambée après enjambée, j'avançais. Mon cœur battait à la chamade martelant ma poitrine. J'avais mal, mais ça m'était égal.  La douleur que je ressentais n'était rien à comparé cet infâme sentiment de culpabilité qui me rongeait de l'intérieur. Je sentais l'odeur de l'océan et j'entendais le doux murmures des vagues au loin, signe que je m'approchais. Je m'approchais de lui, il s'approchait de moi. Bientôt, je le verrai enfin. Je prendrai sa main, et nous nous envolerons vers un monde meilleur, un monde heureux. Juste à y penser, je sentais mon cœur résonner dans ma cage thoracique. Mon cœur résonnait dans ma tête, et plus je m'approchais, plus les battements étaient rapides. Je m'arrêtai pour reprendre mon souffle et je regardai la lune briller dans un ciel parsemé d'étoiles. Tenant ma longue robe pour m'assurer qu'elle ne s'abîme pas, je recommençai à courir. Je savais que j'approchais. C'est alors que je le vis.

– Elizabeth ? Elizabeth ! Réveille-toi, bon sang !

Encore et toujours le même rêve. Je m'étais endormie et je l'avais encore fait : ce fichu rêve avec ce mystérieux inconnu. Ce que j'aurais voulu que ma sœur me laisse dormir, ne serait-ce qu'une minute de plus.
Argh! il me semblait pourtant si familier, mais je n'avais jamais réussi à voir son visage. Tout au long de mon rêve, je courrais à sa recherche et quand j'arrivais enfin à lui, je me réveillais avant de voir son visage. J'étais donc condamné à me l'imaginer. Au début, l'idée d'en faire mon prince charmant, de sculpter ses moindres traits comme je le voulais me plaisait bien. Je m'en étais vite lassé.

– Pourquoi tu m'as réveillée ? grognai-je.
– Parce que j'ai faim ! Qu'est-ce que tu fais pour dîner ?

Ah, cette chère enfant. En treize ans de vie, ma sœur n'avais toujours pas compris le principe d'autonomie. Je devais toujours tout faire pour elle, comme si j'étais sa mère.

– T'as qu'à manger les pâtes dans le frigo, moi j'ai pas faim.
– Ah non, pas encore ! J'ai pas le goût de manger des pâtes.

Ce qu'elle pouvait être bébé. Et enfant gâté. Mais j'avais promis à ma mère de la garder pour la journée, parce qu'apparemment, même celle qui l'a enfantée ne la croyait pas capable de rester seule.

– Je vais le dire à maman que tu ne veux pas me faire de dîner !
– Ah Alice, tu ne vas pas recommencer avec ça. Dit-le à maman tant que tu veux, ça ne changera pas le fait que je ne te cuisinerai pas de dîner uniquement parce que tu n'aimes pas ce qu'il y a dans le frigo. Mature un peu !

Elle me fit des gros yeux et elle se dirigea vers sa chambre, pour fermer sa porte à la volée. Je savais que l'adolescence était une période difficile, mais il était absolument hors de question que je me plies à ses quartes volontés. Ma sœur se croyait toujours tout permis. Avec ses cheveux auburn, son nez parsemé de taches de rousseur et ses yeux bleus turquoise, elle était jolie. Sauf que ça ne lui donnait pas le droit de se penser dirigeante du monde, du haut de son mètre cinquante. Je vous l'accorde, elle est petite.
De toute façon, ma mère ne tarderait pas à rentrer et je pourrais enfin commencer à me préparer. Je me dirigeai vers ma chambre et soulevai mon matelas pour récupérer mon carnet. J'avais pris l'habitude d'y inscrire à chaque fois que je faisais le même rêve, c'est à dire au moins trois fois par semaine. Au début, je prenais aussi le temps de le détailler jusqu'à ce que je me réveille, dans l'espoir de pouvoir ajouter des détails la nuit suivante. Sans succès. Comme je me réveillais toujours au même moment, j'ai finalement laissé tomber cette partie là. Après avoir marqué la date, je le rangeai sous mon lit.
Mon téléphone vibra de nouveau.

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