Wariate !

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Je n'avais pas oublié de me vanter auprès de tout mes camarades à propos de ma chère mission. Pendant le cours de langue, j'avais demandé aux professeurs de m'apprendre comment dire mission dans toutes les langues possibles. Ils avaient eu marre de moi au bout de vingt minutes et m'avaient virée de cours. Donc j'étais partie m'entraîner pour ma wariate en japonais, pour ma misíon en espagnol, pour ma opdracht en néerlandais, pour ma... Est-ce que j'en fais trop ?

J'avais passé le reste de ma journée dans la salle d'entraînement à escalader les murs, soulever des poids, sauter à la corde... Les muscles chauffés, j'avais attendu la fin du cours de mes amis pour m'entraîner au combat. Dès qu'ils me virent en train de sautiller partout, aucun d'eux ne voulait m'affronter. Seulement Raphaël sortit du groupe pour se placer devant moi. Il se mit en garde et je l'imitai. Il décocha le premier coup de poing que j'esquivai sans soucis en me reculant avant de frapper dans le vide puisque lui aussi savait faire en sorte de ne pas se prendre de coups. Nous avions à peu près le même niveau, bon j'admets qu'il avait peut-être l'avantage parfois mais je dois me défendre en rappelant qu'il était plus âgé que moi d'une année. Et il m'avait dit que je me défendais bien pour une fille, le pour une fille lui avait offert un aller simple directement sur le sol grâce à la balayette démoniaque.

Je traînais beaucoup avec Raph, ce qui m'avait semblé causer une certaine jalousie chez Alex, mon meilleur ami. Sûrement qu'il aurait aimé que nous soyons frères et sœurs en mission mais je ne pouvais rien y faire. Je ressentais tout de même un sentiment de culpabilité lorsque je discutais avec mon partenaire de mission.

     Nous étions quelques jours avant notre départ dans le sud où nous devions repérer le gang de trafiquants. De beaucoup de trafiquants. Dangereux. Armés. Ce n'est qu'à ce moment précis que j'avais commencé à douter. Un boule était venue se loger dans mon ventre à ce moment-là. Je m'étais imaginée des multiples possibilités de fin de mission qui n'étaient pas rassurantes. Un dealer pouvait simplement nous tirer dessus. Une image de moi ensanglantée m'est apparue. Puis j'ai imaginé Rapha, allongé sur le sol écarlate. J'eus un frisson.

     J'étais seule dans ma chambre à préparer mes affaires. Je m'étais assise sur mon lit qui avait grincé sous mon poids. Je m'étais regardée dans le miroir qui décorait le mur. Et si je n'y arrivais pas...     Je commençais à visualiser des images horribles des pires choses qui pourraient arriver.  Je fermai les yeux. Je voyais des scènes où je n'arrivais pas à me défendre face à plus fort que moi. Je ne pouvais pas sauver Raph. Du sang partout.

     Je pris des grandes inspirations pour ne pas paniquer. Des perles de sueur coulaient sur mon front. Soudain une main se posa sur mon épaule et je sentis une masse s'assoir à mes côtés. "Ça va aller, ne t'en fais pas pour la mission." Mes yeux s'ouvrirent pour se poser sur le visage de Stéphane. Il me prit dans ses bras. Je me réfugiai contre lui comme si être à ses côtés me protégeait de tous les dangers. Il savait toujours ce à quoi je pensais. Il était ma seule famille. "Tout le monde a peur Emma. C'est normal. Tu t'en sortiras très bien et de toute façon tu n'es pas seule. Je suis là pour toi, la famille c'est fait pour ça." me dit-il, avec le sourire qui me rassurait étant petite. "Merci tonton." dis-je si bas que je n'étais même pas sure de l'avoir dis, mais lui l'avait entendu. Je restai collée contre mon oncle alors qu'il posait doucement sa tête sur la mienne.

     Nous ne sortîmes de la chambre sombre qu'après de longues minutes où nous discutions à cœurs ouverts. Je chérissais ces moments.

     Il m'a laissée sur la Place où je devais retrouver mes amis après m'avoir prise une énième fois dans ses bras. J'eus l'impression qu'il n'était pas aussi rassuré à mon égard qu'il ne le disait.

     Alors qu'il s'éloignait vers son bureau, je regardais autour de moi, les quelques gens qui ne savaient quoi faire et qui déambulaient dans les tunnels. Je vis le petit Marco qui regardait la fontaine avec attention. Il tendit la main vers l'eau et joua doucement à faire des vaguelettes. Il se penchait de plus en plus. Je m'approchai. "Fais attention Marco." Dis-je avec affection. Il me regarda avec de grands yeux, comme s'il cherchait à lire en moi. Je ne sais pas s'il avait réussi ou non mais il détourna son regard de moi pour regarder les petite vagues qu'il avait créées et dire :"Ne t'inquiètes pas, je regarde juste.
-Je ne voudrais pas que tu tombes.
-Je sais."

    Sa dernière phrase me fit comme un électrochoc. Un sentiment étrange parcourut mon corps entier et s'arrêta dans mon cœur. Il souriait comme un gamin. Mais avec une certaine maturité tout de même. Sentiment vraiment bizarre.

    Il m'adressa un signe pour me dire au revoir puis s'éloigna en me laissant seule au milieu de la Place. Je m'accroupis près de l'eau et je regardai le centre de la fontaine où coulait doucement l'eau. Des mains se posèrent sur mes yeux. Je sentis des doigts fins. Et je sentis une odeur que je connaissais bien. Je me retournai et vis Adèle qui me souriait. Elle prit ma main et me tira vers la sortie : "Viens, on va manger un morceau dehors avec les autres pour faire votre pot de départ à toi et Raph."

     Dehors, nous nous dirigeâmes vers le bar d'Eleanor. Je n'avais jamais retenu le nom du bar malgré nos fréquentes sorties dans celui-ci. Peut-être que c'était simplement chez Eleanor le nom, en tout cas moi j'aimais bien.

     Il étaient tous assis en terrasse à discuter bruyamment. Les autres clients les regardaient avec étonnement. Nous nous installâmes avec eux. Alex m'avait commandée un thé glacé. Il le poussa discrètement vers moi avant de tendre son verre à Adèle. Il ne voulait qu'on croit qu'il m'appréciait. Je ne le comprenais pas parfois mais en même temps je faisais pareil donc je ne devais pas me plaindre. Et ça me faisait doucement sourire.

     On discuta toute la soirée, nous étions les derniers dans l'établissement. Eleanor nous offrit quelques verres avant de nous chasser avec son balai. On adorait quand elle faisait ça, on rigolait et on partait en courant dans les rues.

     Nous marchions dans la ville, le groupe commençait à se diviser car les plus jeunes devaient aller dormir. Camilla, une amie de Raphaël, m'avait montré où elle avait fait un de ses exercices comme le mien, alors je lui ai montré avec fierté la maison du maire qui, au loin, me rappelait des souvenirs. Avec mes photos dans son bureau en illustration. Elle m'avait parue impressionnée alors mon ego avait regonflé après mon coup de blues de l'après-midi.

     Alors que je discutais avec Camilla et Arthur, j'ai vu Alex et Adèle discuter plus loin. Ils avaient l'air très sérieux. J'avais été tentée de m'approcher pour les embêter en faisant ma comère à vouloir savoir ce qui se passait mais je me suis retenue en voyant leurs visages très fermés. Je doutais qu'ils allaient apprécier une de mes blagues. Au fil de la soirée, j'avais fini par oublier la petite discussion qu'ils avaient eu.

     On s'était tous dit au revoir et on était rentrés nous coucher. Mes paupières se refermaient toutes seules. Mes deux amis riaient aux éclats pour une blague que je n'avais même pas écoutée. Mes pas étaient lourds et ils étaient presque forcés de me porter jusqu'à notre chambre. J'avais dû faire un bruit monstre en essayant de passer avec agilité dans dans le trou qui menait à notre chambre.

     Je m'affalai sur mon lit et fermai les yeux. Il était très tard mais j'entendis mes amis sortir de la pièce pour aller faire je-ne-sais-quoi. La lueur de curiosité qui s'était allumée en moi s'éteignit aussi vite qu'elle n'était apparue à cause de l'inutile et contraignante chose appelée le sommeil.

SubfoxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant