La dernière épreuve

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 La dernière épreuve. Où cinq des six concurrents restants en lice seraient éliminés. Celle qui désignerait le vainqueur. Anathea ne pouvait se permettre d'échouer, cette fois-ci. Elle était venue pour gagner.

Au matin, elle s'éveilla le cœur battant. La dernière épreuve. Y participeraient elle, Loup, Aray, Nikolas, Hector et Gerome. Seuls Loup et Aray lui paraissaient des adversaires à sa mesure...

Elle grignota une pomme et se rendit à l'arène, où on leur avait donné rendez-vous la veille. Mais là, les hérauts guidèrent les six participants hors de la ville, sourds à leurs questions.

- C'est la direction des mines... murmura Loup. Enfin, les anciennes mines...

Ils cheminaient sur une plaine désolée, et Anathea ne mit pas longtemps à apercevoir devant elle les ouvertures sombres et béantes conduisant au cœur de la mine.

- Mais qu'est-ce qu'ils mijotent ? S'interrogea Hector à voix basse.

Anathea aurait donné cher pour pouvoir répondre à cette question...

Finalement, leur guide stoppa, à à peu près une centaine de mètres des premières entrées visibles.

- Il y a six entrées, une pour chacun d'entre vous. Pour cette épreuve, ce sera chacun pour soi. Vous vous placerez chacun devant une entrée, et au coup de trompe, vous entrerez dans la mine. Au cœur de celle-ci, se trouve un espace à ciel ouvert, où se trouve un grand rocher d'obsidienne. Trouvez le moyen d'entrer dans ce rocher, prenez dans vos mains l'escarboucle qui se trouve dans la salle à l'intérieur, et vous aurez gagné. A présent, mettez-vous en place, je vous prie. Chaque entrée est à égale distance de la salle centrale, vous serez donc tous sur le même pied d'égalité. Si vous souhaitez abandonner, pensez « j'abandonne » dans votre tête, et les magiciens vous entendront et vous sortiront de là.

Anathea obéit. A présent, c'était donc chacun pour soi, ce qui n'était pas pour lui déplaire. A vrai dire, cette épreuve lui paraissait ridiculement simple... Qui serait assez incompétent pour abandonner ?

Et la trompe mugit.

Ce n'est qu'en s'élançant dans les profondeurs sombres de la mine que la Voleuse se rendit compte qu'ils avaient tous négligé l'essentiel : bien qu'assez hauts pour s'y tenir debout, les boyaux de la mine étaient noirs comme un four, et on ne leur avait pas procuré de torche ou même de briquet. Cela devait faire partie de l'épreuve : à présent, ils étaient aveugles.

Anathea ferma les yeux en ralentissant, et posa ses mains sur les parois. Elle continua d'avancer, moins vite cependant. Au bout de quelques pas, le boyau se sépara. Croyant sentir un souffle d'air sur sa gauche, elle bifurqua dans cette direction. Quelques minutes plus tard, elle se rendait compte de son erreur en débouchant dans un cul-de-sac.

Elle s'apprêtait à faire demi-tour lorsqu'elle sentit de l'eau glacée entrer dans ses chaussures. Elle avait dû marcher dans une flaque... Elle recula, et découvrit, horrifiée, que le boyau était inondé, pas beaucoup pour le moment, mais... l'eau montait. Lentement mais sûrement . Et elle ne savait pas nager ! Elle fit demi-tour et se mit à courir à l'aveuglette. L'eau montait toujours. Ses pieds étaient à présent engloutis.

Revenue à la bifurcation, elle prit à droite, courut... La voix du héraut lui parvint, de manière incompréhensible :

- Gerome a abandonné !

Une nouvelle bifurcation. L'eau lui arrivait à mi-cuisse. Elle ne pouvait pas se permettre de prendre le mauvais chemin, cette fois-ci. Elle devait se calmer, chasser les pensées parasites et trouver la bonne direction. C'était à gauche. En courant, il lui semblait que l'atmosphère se faisait moins oppressante... La sortie devait être proche ? Il le fallait. L'eau lui arrivait à la taille. Et elle ne savait pas nager.

Elle ouvrit les yeux, et vit une lumière, une étincelle devant elle, le jour, la sortie. Elle accéléra.

Mais l'eau semblait monter toujours plus vite. La lumière se faisait plus vive, mais l'eau arrivait déjà à la poitrine d'Anathea. Aux épaules. Par tous les dieux, elle y était presque, pourtant !

Elle vit le moment où elle allait enfin émerger de ces ténèbres de la mine. L'eau atteignit son cou, et elle eut l'impression qu'une main glacée la frôlait.

Alors elle prit une profonde inspiration, plongea la tête sous l'eau et se propulsa vers la lumière.

La Voleuse émergea hors de la mine et cessa de retenir sa respiration pour inspirer éperdument, mais l'eau montait toujours. Elle n'avait absolument plus pied, et elle ne savait pas nager!A quelques mètres d'elle, elle aperçut le rocher d'obsidienne, ses contours déchiquetés masquant le soleil. Dans un effort désespéré, elle parvint à s'y aggripper, même s'il lui sembla que cet effort lui coûtait ses dernières forces.

Une ombre passa alors devant elle. Loup !

- Loup... supplia-t-elle. Aide-moi...

Le Voleur la regarda d'un air qu'elle ne sut comment interpréter, puis s'approcha d'elle et attrappa sa main avec laquelle elle se cramponnait au rocher. Anathea sentit un soulagement sans bornes l'envahir.

- Toi et moi, Anathea... murmura Loup. Il y en a un de trop. C'est toi ou moi. Je suis désolé.

Et, avec une force qu'elle n'aurait jamais soupçonné, il la rejeta à l'eau. Anathea eut juste le temps d'une ultime respiration avant que les eaux glacées et ténébreuses ne se referment sur elle.

Elle sombrait, le goût amer de la trahison dans sa bouche. Elle sombrait, elle avait même oubliè qu'elle pouvait abandonner et réclamer de l'aide. Elle allait mourir.

Alors, elle perçut un reflet dans l'eau, familier.

Samaël ?

Il était sur l'île des Voleurs, si loin... Impossible que ce soit lui.

Anathea, bats-toi. Ton but est proche, ne le laisse pas échapper. Je vais t'aider...

Le dos de la jeune femme buta alors contre le rocher, qu'elle agrippa de sa main gauche. Des étoiles commençaient à scintiller devant ses yeux. Elle n'allait pas tarder à perdre connaissance... Elle avança la main droite vers la roche... et rencontra un boyau qui remontait, à travers la roche. L'entrée qui menait à la salle de l'escarboucle ! Samaël l'avait guidée jusque là !

Je t'aime.

Et sa présence venait de disparaître.

Agrippant les parois du boyau englouti, Anathea se propulsa vers le haut, vers l'escarboucle, vers l'air pur dont elle avait si désespérément besoin, vers la vie.

Elle émergea dans une petite grotte illuminée de flambeaux et respira à plein poumons, incrédule mais victorieuse. Elle était vivante. Et l'escarboucle reposait dans un écrin posé sur le sol, flamboyant de mille promesses.

Anathea la prit dans sa main. Elle avait gagné.


Dans l'ombre de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant