Gabriel

11 1 0
                                    

Mardi 13 juin 2017

" J'aimerais tant ne pas le croire, j'ai peur, j'ai mal, la vie est dégueulasse, mais pas pour moi, j'ai eu de la chance, mais pas elle bordel, pas la fille au regard perçant, comment ça a pu arriver, si seulement... si seulement quoi ?  Je suis plongé dans la confusion la plus totale, un imbécile paumé, c'est ce que je me contente d'être."
Gabriel ne pouvait pas croire que ces mots venaient de son ami, un boule d'angoisse se forma dans son estomac, qu'est-ce qui avait poussé Mathis à écrire ça ? Il se mit à le chercher dans la cours de récréation, il ne le trouvait pas, son inquiétude grandit jusqu'à devenir un poid insoutenable sur ses épaules, il s'assit sur un banc et se ressaisit. C'est alors que Marjolaine déboula, avant même de lui avoir dit bonjour, Gabriel lui demanda :
" Tu n'aurais pas vu Mathis ?
- Si, il lit derrière l'amphithéâtre, pourquoi ? Il s'est passé quelque chose ? En général quand il lit pendant la récré c'est qu'il a un gros coup de blues, alors..."
Gabriel ne prit pas la peine de lui répondre, il lui tendit le carnet et alla rejoindre son ami, dès que Marjo l'eut lu, elle le suivit, le teint pâle.
Marjolaine fut la première à parler:
" Qu'est-ce qui ne va pas ? Que s'est t-il passé ? Dis nous tout et...
- Hé ho, doucement, calme-toi, on ne mène pas une enquête policière, l'arrêta Gabriel amusé"
Marjo rougit, honteuse et Mathis baissa les yeux.
" Ça ne va pas ?
- Je n'ai p...pas envie de parler, dit-il, la voix tremblante.
- Écris alors, lui proposa posément Gabriel en lui tendant le cahier."
Il hésita, puis le saisit.
Gaby n'avait jamais vu son ami ainsi, vulnérable, détruit, horrifié, il avait envie de le secouer, de le relever, puis de le maintenir par les épaules et de le faire sortir de sa coquille, mais à la place, il lui parlait calmement comme il le faisait avec ses frères et sœurs quand sa mère faisait une crise à cause de l'alcool et qu'il essayait de les rassurer. C'était frustrant, comme si son rôle était de jouer les psychologues, il avait l'impression d'être inutile et de mentir.
Mathis lui rendit le carnet et la sonnerie retentit, Gabriel décida de le lire plus tard même si la curiosité le dévorait de l'intérieur.

Lorsqu'il put enfin quitter le collège, après avoir traîné Mathis qui n'avait pas décroché un mot de la journée, Gabriel lut :
"Il y a eu un accident mardi, je crois que la fille est morte, ça n'aurait pas dû arriver, elle était jeune, toute cette souffrance."
Gabriel comprit que Mathis avait été témoin d'un accident et qu'il était bouleversé. Il se sentit gêné face à son ami, il ne voyait pas comment aider Mathis à surmonter la situation, si ce n'est que d'attendre que le temps arrange les choses.
Gabriel essaya de chasser ces pensées pour se concentrer sur la soirée à venir, l'angoisse s'immisça lentement en lui, il avait peur de l'état dans lequel il allait retrouver sa mère.

Gabriel ouvrit la porte de l'immeuble, et s'arrêta devant les escaliers, il prit une grande inspiration et rejoint son appartement.
En entrant, il vit sa mère allongée sur le canapé, elle dormait profondément, impossible d'ignorer la bazar qui l'entourait, une armoire s'était renversée dans le salon, la poignée de la fenêtre était cassée, des cassettes gisaient en désordre devant la télé, un sandwich était posé sur la table basse, et bien sûr, les bouteilles d'alcool étaient là. Gabriel entreprit de ranger lorsqu'il vit la cartable de sa sœur renversé sur le sol, soudain, il se mit à hurler les noms de ses frères et sœurs :
"MATHILDE ! MO ! NOAH !"

Une voix d'enfant lui répondit fermement :
"Ici !"
C'était Mathilde, sa sœur qui avait six ans, il se précipita dans la chambre des enfants, car tous les quatre partageaient la même chambre et ouvrit le placard dans lequel ils découvrit Mathilde tenant Noah dans ses bras, et Mo qui dormait contre la parois du placard, absurdi, il fit sortir tout le monde et leur demanda ce qu'ils faisaient la dedans. Mathilde lui répondit qu'ils évitaient Maman, leur Maman, sa Maman, celle qui, aujourd'hui, effrayait ses enfants. Un frisson d'horreur parcouru le dos de Gabriel qui fut pris de vertiges. Il centra son attention sur ses frères et sœurs et alla chercher quelque chose à manger dans la cuisine tandis qu'Éva dormait encore. Il revient, distribua du pain et du jambon, puis lava ses frères et sœur dans la salle de bain, celle-ci croulait sous les vêtements sales . Peu après, tout le monde dormait dans son lit, bien au chaud, tout le monde exepté Gabriel, il fixait intensément le mur de la chambre, se demandant à quoi ressemblait sa triste vie et celle destinée à Mathilde, Mo et Noah,  il ne pourra jamais les abandonner.

Le cahier de doléancesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant