#Father - 8.

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Aujourd'hui, l'hôpital a téléphoné. Quand on m'a annoncé au téléphone cette information à laquelle nous nous attendions pourtant, mon cœur s'est arrêté de battre. Je me suis écroulé et mon fils, qui avait pris un jour de congé, a débarqué dans la cuisine, lorsqu'il m'a entendu tomber lourdement sur le sol. Quand il m'a vu, il m'a pris le combiné des mains et l'a porté à son oreille. Une voix à peine perceptible parvient jusqu'à mes oreilles. Ses yeux se sont agrandis quand on lui annonce ce que je sais, et il lâche l'appareil, qui tombe bruyamment. Son visage perd ses couleurs et devient d'un blanc effrayant. Pourtant, aucun de nous deux ne parle. C'est dur. Trop dur.
J'entends des pas traînants dans le couloir. Sans tourner la tête, je sais que ma femme entre dans la cuisine. C'est la première fois depuis trois mois qu'elle se lève.
Elle a demandé : « J'ai entendu du bruit... que se passe-t-il ? » Sa voix était faible, très faible. Elle chuchotait presque. Quand elle nous aperçoit au sol, pâles, immobiles et les yeux remplis de larmes, elle comprend, puis crie. Un long, un très long cri déchirant.

Nous avons appelé l'école pour leur dire que nous venions chercher les garçons. Ils devaient être là. C'est leur sœur. Nous arrivons à l'école et, deux minutes plus tard, mes deux plus jeunes fils passent le portail de l'école. La directrice ouvre la portière arrière et les deux petits montent. Ils ne parlent pas, mais je vois dans leurs yeux qu'ils ne comprennent pas. Oh, pour ça... ils le sauront bientôt.
La portière claque et mon fils démarre. Nous prenons la direction de l'hôpital.

Une fois arrivés, nous sortons du véhicule et courrons jusque l'accueil. La secrétaire nous indique que nous sommes attendus et nous rappelle l'étage et le numéro de chambre. C'était inutile, car en trois mois, nous le savions parfaitement.
Bâtiment 3, quatrième étage, porte 336.

Nous marchons en direction du bon bâtiment, prenons l'ascenseur et montons jusqu'au quatrième étage. Là, nous nous dépêchons d'arriver devant la chambre qu'occupe ma précieuse petite fille chérie. Nous frappons, puis entrons. Il n'y avait personne, excepté, bien évidemment, de son occupante.
Mais quelques secondes plus tard, une infirmière entre. Elle nous dit qu'il n'y avait plus d'autres solutions possibles. Pendant trois mois, dit-elle, les médecins ont cherché, consulté des spécialistes, en vain. Il le fallait. Il n'y avait plus d'espoir possible. Aucun.
Ma femme se met à pleurer. Mon fils aîné serre les poings. Quant à moi... je tremble. Je résiste à l'envie de hurler, de tout casser. Je retiens mes larmes, tente difficilement de me contrôler.
Mais peut-on vraiment contrôler cette foutue douleur qui détruit notre cœur, qui brise nos vies, qui nous rend fous ? Peut-on vraiment contrôler ce sentiment d'impuissance, ce sentiment que l'on n'a pas assez aimé, que l'on n'a pas assez fait ou donné ? Peut-on vraiment contrôler cette haine de nous-mêmes, ce dégoût de nous-mêmes ?

L'infirmière nous adresse un sourire triste, compatissante. Elle se détourne et contourne le lit de ma fille. Elle s'approche de l'appareil qui maintient ma fille en vie. Elle tend la main, mais hésite quelques secondes. Elle tremble.
Peut-être a-t-elle déjà dû ressentir cela. Peut-être a-t-elle déjà fait ce geste à une personne qu'elle tenait tant. Peut-être. Sûrement. Et pourtant, elle le fait. Elle approche sa main du bouton, puis le tourne.

Un long, un très long « biiiiiip » retentissant brise nos tympans. Ma femme s'écroule, secouée par des sanglots. Mon fils aîné hurle. Mes deux plus jeunes crient de peur et d'incompréhension. Quant à moi... Moi, je regarde l'écran qui indiquait la fréquence cardiaque de ma fille. Le mien s'arrête, et mon monde s'écroule subitement.

La ligne est droite, c'est fini.

Aimer au-delà de la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant