"Tu as été bien plus que ma sœur, tu as été ma meilleure amie ". Ce fut les dernières paroles que j'entendis de sa part, avant que ces deux lumières n'arrivent.
Aujourd'hui je suis là devant elle, mais elle ne le remarque même pas. J'ai beau lui faire des signes, lui parler ou même crier, il n'y a aucune réaction de sa part... Cela me rend triste, ce silence qui nous entoure, cette rupture qui nous empêche de nous parler, ces deux mondes qui nous séparent.
Avant l'accident, nous étions tout le temps à deux, à parler, à se raconter des ragots, des secrets... C'était bien souvent elle qui avait pleins de choses à me dire, moi je l'écoutais en la regardant, les yeux grands ouverts, avec une énorme attention. Je l'admirais ! Puis, quand elle s'arrêtait, j'acquiesçais avec le sourire à ce qu'elle venait de narrer et si mon avis était attendu, je le lui donnais. C'était mon exemple, ma voie, mon chemin guidé qui m'empêchait de me perdre lorsque je partais quelque part, qui m'aider à prendre les bonnes décisions, c'était ma sœur. Je voyais en elle comme quelque chose proche de la perfection, même si cela n'existe pas, c'est ce que je ressentais avec elle, en sa présence.
Je pourrais rester devant elle pendant des heures, à la regarder, à entendre le son de sa respiration. Quand elle dort, celle-ci se fait légère et sa lèvre inférieure se met à bouger. J'aimerais la prendre dans mes bras et passer ma main dans ses cheveux pour prendre une de ses grandes mèches bouclés entre mes doigts, mais elle ne sentirait rien. Je suis ici, près d'elle, mais cela ne sert à rien, à part à me faire du mal. Ça fait un peu comme lorsqu'on dormait à deux, dans le grand lit de ma chambre, elle qui avait toujours un sommeil profond et qui dormait encore le matin lorsque je me levais. Je la regardais alors et m'amusais avec ses cheveux, je lui faisais des petites caresses sur ses joues ou encore lui soufflais dessus pour voir si elle allait se réveiller. Mais elle ne ressentait strictement rien. Là, c'est pareil, à part que nous ne sommes pas tôt le matin, qu'on ne vient pas de dormir à deux, et que la vie nous sépare.
Je vois qu'elle ne sourit pas, est-elle triste de ne plus me voir, est-ce que je lui manque ? Je l'espère et ne l'espère pas à la fois. Tellement que je l'aimais, je ne puis me dire qu'elle soit triste par ma faute, je ne peux me résilier à cette idée, cela est trop dur. Mais le fait de me dire qu'elle soit triste me fait aussi du bien, me dire que je comptais pour elle. Cela me rappelle ces journées de vacances, moi, devant une feuille blanche, stylo à la main. Elle, qui révisait, privée de repos. Pour lui remonter le moral et lui donner du courage, je lui écrivis ces quelques mots :
« Avant d'arriver
Je savais
Qu'on serait liées
À jamais
Oui, liées par un lien
Sang d'une lignée
Tellement fort que rien
Ne peut égaler
Je savais
Qu'à partir de ma première respiration
Pour de vrai
Nos deux grands destins formeraient une union
Je ne savais qu'en penser
À ce moment-là je n'te connaissais pas
Mais le jour où je suis née
Sans réfléchir, tu m'as prise dans tes bras. »
Puis, son sourire apparaissait enfin. J'étais sereine, heureuse de la voir comme ça. C'était ma façon, en liant quelques vers, de lui faire plaisir.
Mais aujourd'hui, alors que toute forme de communication est coupée entre nous, qui peut lui transmettre ce sourire ?
Depuis plusieurs heures maintenant, je suis là devant elle, l'observant, en vain. Là, assise dans cette pièce d'une horrible blancheur, impersonnelle, sans gaieté, mis à part ce sac à main bleu posé sur la table de chevet.
Elle, ne me remarquant pas, paisible. Moi, perturbée. Des souvenirs refont surface, des souvenirs trop proches que je souhaiterai oublier. Rien que d'y repenser, ma tête me lance, les battements de mon cœur s'accélèrent et une sueur froide parcourt mon corps tout entier.
C'était un samedi, oui je m'en rappelle très bien. Comme à notre habitude, cette journée de la semaine était synonyme de sortie, complicité et rigolade. Nous nous apprêtions à faire les magasins, elle avait en tête depuis plusieurs mois de s'acheter ce sac qu'elle avait vu en vitrine, bordé de tissus bleutés. C'est vrai qu'il était très beau. On était partie tôt de la maison, pour avoir une matinée complète de shopping, et après avoir garé la voiture, on se hâtait d'un pas décidé, heureuses, comme d'habitude. Pourquoi n'avions-nous pas entendu ce bruit de moteur ? Pourquoi n'avions-nous pas réagi à celui des freins ? Et pourquoi m'a-t-elle poussée ?
Un bruit strident me fit revenir à moi. La porte de la chambre s'ouvrit, un homme d'une cinquantaine d'années, vêtu d'une blouse blanche, papiers à la main, entra. Je me rappelai alors que c'était aujourd'hui, oui ce jour où je devais prendre mon courage à deux mains, ce jour où je devais rendre ce courage à celle qui est à ma place, dans ce lit, allongée et qui ne vivra alors plus jamais. Ce jour où je dois prendre une décision qui me pèsera toute la vie. Aujourd'hui, je dois donner mon accord pour que l'on débranche ma sœur, lui retirer cette machine qui lui donne un semblant de vie depuis plusieurs mois. Elle, qui m'a sauvée la vie.
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histoire
DiversosCe livre sera composé de différente histoire comme: - la maladie - d'ange - l'amour - l'amitié - la famille - le harcèlement j'espère que sa vous plairas. J'essayerais de mettre au moins 2 chapitres par jour sauf le week-end (pendant les vacances) e...