Vacances inoubliables

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L'obscurité était à présent totale. Des rafales glaciales battaient dans nos cheveux. Les grillons jouaient leur symphonie nocturne. Une symphonie que nous allions bientôt découvrir sinistre.

Moi et mon frère nous dirigeâmes vers le cimetière, afin d'accomplir notre délire d'adolescents attardés. Nous étions en vacance sur la côte croate. Comme chaque année nos parents nous amenaient vers une destination exotique pour « ouvrir notre horizon », disaient-ils. Dans la monotonie du quotidien, nous avons voulu pimenter notre séjour. Un piment peut-être trop fort pour nos langues légères. Les beaux paysages, les bruits des vagues se cassant sur les falaises et l'inactivité du bronzage n'étaient pas suffisants pour nous.

- Allume la lampe, lui dis-je, je ne vois rien !

- Quoi tu trembles déjà du genou ? me dit mon frère avec un sourire et un relèvement de sourcil idiot.

Mon petit frère était un adolescent dans la fleur de l'âge. Il collectionnait les boutons et la fainéantise des journées improductives. Il était doué d'une assurance à l'italienne, le style d'assurance qui s'effrite à la moindre gravité. Mais plus que son assurance, s'était sa touffe de cheveux qui me faisait sourire à chaque fois que je le regardais discrètement du coin de l'œil. Quant à moi, on me qualifiait souvent d'égoïste et de narcissique, bien que je me voyais plutôt comme un gars posé et altruiste. Il y avait là matière à réflexion.

Nous marchâmes sur un petit chemin rudimentaire, aménagé spécialement pour les touristes descendant sur la plage, et nous venions de nous enfoncer dans un passage devenu lugubre une fois la nuit tombée. Les ténèbres enveloppaient la moindre parcelle de matière et sans lumière la probabilité de se péter une cheville était plus que positive.

Nous descendîmes l'escalier, guidées par notre fidèle lampe a dynamo et nous avions enjambés le portail entre-ouvert du cimetière. Craquement sinistre.

- Après avoir vu « Devil's Inside », je dois t'avouer que ça me fou un peu les boules, se plaignit l'enfant aux cheveux sauvages.

- Mais non, arrête tes bêtises, tout ira bien, lui promis-je !

Nous avions choisis un coin assez confortable pour débuter la séance de spiritisme.

- Comment est-ce qu'on fait ? me demanda-t-il.

- Eteins ta lampe, lui recommandais-je.

Obscur. Le cimetière était petit, les croates devaient enterrer leur morts debout, sûrement pour économiser les parcelles cultivables. Le peu de croix en hauteur se découpaient avec une âcre nostalgie sur un ciel étoilé. Le faible éclairage de la lune rebondissait sur l'assemblage des atomes qui formait les pierres tombales. Le vent se levé par intervalles, plus fort, plus puissant et caressait maladroitement les arbres qui se tordaient dans un craquement sinistre, des cris d'effrois, des cris qui nous demandaient de quitter les lieux. Un frisson dans le dos.

Le plus sincèrement, je voulais en finir au plus vite. Je reprenais du courage, me raclait la gorge et fusé :

- Ô esprit du vent, de la mer et de la terre, éveillez-vous, donner nous un signe de votre existence, je vous invoque !

Le vent s'était quelque peu calmé, mon frère avait suivis mes recommandations ; yeux fermés, esprit clair, ne penser qu'à une chose et se concentrer sur ma voix. Comme rien ne se produisit, je continuais :

- Esprit des morts, des décédés, des macabés, nous sommes venus empiéter sur votre demeure, apparaissez-nous !

Une rafale de vent nous percuta, moi et mon frère, nous donnant, à coup sûr, la chair de poule a tous les deux. Certain que rien ne se produirait ce soir là, je mis les bouchées doubles, une dernière fois :

Folklore, épouvantes et légendes urbaines Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant