un lundi et un sourire

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Trois. Deux. Un.
La sonnerie retentit. Ça relève presque de l'occulte ce genre de don. Je range rapidement mes affaires dans mon sac alors que Max se cale contre ma table pour m'attendre. Il pianote sur son téléphone sans faire plus attention que ça à tous les abrutis qui le bousculent. Je sais pas comment il fait. Rien que le fait qu'ils m'adressent la parole m'énerve alors quand ils me touchent... Mais ce que je comprends encore moins c'est son addiction au portable. Pour preuve : la sonnerie vient à peine de se faire attendre qu'il est déjà dessus. Bien sûr j'ai un téléphone mais c'est bien parce que c'est pratique et c'est d'ailleurs le seul côté de l'appareil que j'exploite. Téléphone et messages uniquement pour planifier quelque chose, retrouver quelqu'un ou pour les urgences. Juste le côté pratique quoi.

Max m'informe que Damien lui a enfin répondu et lui a dit qu'il n'est pas là parce qu'il a chopé la gastro. J'acquiesce en silence.
C'est lundi matin et on est totalement crevé. D'habitude on parle mais au stade de fatigue où on est un simple échange de banalités est un effort trop important à fournir. Alors on se tait et on marche vers notre salle.
Comme d'habitude on se place au bout de la queue qui c'est former devant la porte. C'est pas une question de "on veut se donner un genre badboy alors on s'exclu en se mettant au fond" c'est juste que devant y a plus de bruit, plus de mouvement, d'agitation, de bousculade, de contact humain en bref. Certains disent que j'ai une sorte de phobie sociale, moi je dirais plus que je suis exigeant. Oui je suis exigeant même avec les jeunes de mon âge. Ça ne fait pas pour autant de moi quelqu'un de prétentieux, j'ai simplement du mal avec leur médiocrité.

En fait c'est vraiment plus vivant quand y a Damien.

Je sens qu'il y a un regard planté sur moi. C'est bizarre comme impression et tellement oppressant. Je relève la tête et sans même avoir à chercher partout comme un con, je tombe directement sur les yeux de Tristan qui me fixent.

Il sourit comme un con. Là, à cet instant, je sais qu'il se souvient de ce que je n'aurais pas voulu qu'il oublie. Il se souvient de la nuit, de la musique en bruit de fond, de nos paroles légèrement alcoolisées, de moi.

Je lui souris en retour.

Il semble heureux je ne l'ignore pas. Je crois qu'une fois qu'on sait vraiment qui est Tristan, on ne peut pas l'ignorer. Du moins, moi, je n'en avais pas envie.

Je me souviens de la nuit, de la musique en bruit de fond, de nos paroles légèrement alcoolisées, de lui. Et j'espère que lui aussi, il n'a pas eu envie que j'oublie. C'est con mais on continue à se sourire.

Max est toujours sur son téléphone et les amis de Tristan parlent sans se soucier de lui. Je ne l'admettrais pas, mais ici et maintenant, je crois bien qu'il n'y a que de lui dont je me préoccupe.

On rentre en cours. Celui-ci passe lentement et mes yeux ne se détachent de la fenêtre. On ne voit que le ciel quand on est au troisième étage. J'aime bien cette sensation d'être au-dessus du monde ordinaire. Ça me fascine. On ne se sent plus seulement comme quelqu'un dans la masse mais comme un héros.

Un papier atterrit soudain sur ma table je regarde autour de moi mais personne ne semble être à l'origine de ce mot. Je déplie discrètement l'objet m'aillant sorti de ma contemplation.

Demain 19h. Terrain vague.
T.

C'est con mais aujourd'hui je souris pour la deuxième fois.

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