1. Joyeux Black Friday

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Novembre 2012, Alabama


-Bon sang, je viens de trouver Daniel assommé et ligoté. Envoyez des hommes au mobile home, immédiatement!


Le terroriste venait de relâcher le bouton d'émission de son talkie quand deux bras puissants s'enroulèrent autour de sa gorge. D'un geste expert, son assaillant le fit basculer d'un coup de pied au creux du genou et lui brisa la nuque dans un craquement écœurant. Il relâcha ensuite le cadavre qui s'effondra comme un pantin désarticulé et passa la main derrière son oreille, activant son émetteur courte portée.


-J'ai été obligé de me débarrasser d'un type, mais il a eu le temps de donner l'alerte, annonça Kazakov en soulageant sa victime de son fusil d'assaut M16. Tu as localisé la bagnole?


Tout en attendant la réponse de Ryan il s'appropria également la radio du terroriste et découvrit un pistolet mitrailleur que l'homme avait passé en bandoulière.


Bien équipés ces gars du MIJ, pensa-t-il.


En même temps ils se trouvaient aux États-Unis, l'un des pays les plus armés de la planète. Rien d'étonnant...

Kazakov jeta un rapide coup d'œil vers le ranch. Il faisait nuit mais le ciel était clair. Il se trouvait en bordure d'un bois, là où Ryan avait caché le premier garde qu'il avait neutralisé. Bien qu'il n'ait que treize ans, l'adolescent avait fait du bon boulot; l'homme ne risquait pas de se libérer de sitôt même s'il revenait à lui. L'ukrainien sourit férocement en songeant que sa victime à lui ne se réveillerait pas du tout.

Avant d'être instructeur et agent à CHERUB il avait servi dans les forces spéciales soviétiques, le Spetsnaz. Ce n'était pas la première fois qu'il tuait, et les méthodes sanglantes du MIJ avaient finit de lui ôter tout scrupule à éliminer leurs hommes.


Sans perdre de temps, il retourna dans le mobile home. Les terroristes avaient changé leurs plans au dernier moment et tué la pilote de l'avion qu'ils avaient détourné; cela fournissait une bonne excuse aux agents pour leur échapper sans détruire leur couverture. Les hommes du MIJ penseraient qu'ils avaient paniqué, tout simplement.

Mais s'il voulait que cette manœuvre réussisse, pas question d'abandonner le fric. Le tiers du paiement promis par le MIJ au clan Aramov tenait dans deux valises à roulette contenant chacune un million de dollars. Une somme qu'aucun véritable criminel ne laisserait derrière lui.


Les armes gênaient ses mouvements, mais il parvint à traîner les bagages dehors en quelques secondes. Tournant la tête vers le ranch, il aperçut trois silhouettes qui arrivaient au pas de course.

L'ukrainien mit un genou à terre et épaula son M16 lâchant une généreuse rafale, fauchant les terroristes. L'un d'eux pressa la détente de son arme en s'effondrant, puis des gémissements de douleur remplacèrent le vacarme des coups de feu.


Il venait de gagner un peu de temps mais il avait compté au moins une vingtaine de membres du MIJ en arrivant au ranch; trop pour les tuer tous. Il était temps de partir...

Avec un excellent timing, Ryan annonça enfin dans son oreillette:


-Papa, j'ai réussi à démarrer la voiture. Je fais quoi, maintenant?


L'ukrainien réprima un sourire amusé. Après sept mois en infiltration à jouer au père et au fils, l'adolescent l'appelait comme ça par automatisme, sans même y penser. Kazakov aimait bien Ryan.

Il avait un vrai fils, prénommé Olek, mais ils n'avaient plus de relations depuis une vingtaine d'années. Un jour, quand sonnerait l'heure de la retraite, il s'était promis de partir à sa recherche. À cinquante-trois ans elle approchait, mais l'instructeur repoussait sans cesse l'échéance. On abandonnait pas toute une vie de soldat si facilement...


-Arrête toi devant le mobile home, ordonna-t-il. J'ai les bagages. Je suis prêt à monter dans la bagnole.


Tout en disant cela il se mit à couvert, attendant l'arrivée de son coéquipier. Des cris en arabe et en anglais déchiraient le silence de la nuit, mais le sort de leurs camarades avait dû faire réfléchir les autres terroristes qui progressaient hors du chemin, où ils faisaient des cibles faciles.


Le véhicule volé par Ryan arriva à toute allure, pleins phares, et pila devant le mobile home, soulevant un nuage de poussière. Ébloui, Kazakov lâcha un juron dans sa langue natale puis fonça jusqu'à la portière passager du break. Il posa le fusil d'assaut sur le tableau de bord et balança les sacs à l'arrière.

Soudain le crépitement d'armes automatiques retentit, et une balle frappa la carrosserie de la voiture. L'ukrainien se tourna vers le ranch, découvrant une demi-douzaine de terroristes qui avançaient vers eux en demi cercle. Heureusement ils tiraient en rafale et en marchant, ratant la plupart de leurs tirs.


Amateurs, pensa-t-il.


À cet instant une douleur intense explosa dans son cou.


-Bon Dieu, gémit-il en s'effondrant à moitié contre la portière.


Un flot de sang tiède jaillit entre ses doigts quand il toucha la blessure. À l'intérieur, Ryan se penchait pour lui attraper le bras et le tirer dans l'habitacle. Les terroristes avançaient toujours, continuant à tirer au jugé vers les fuyards. L'instructeur prit sa décision en une fraction de seconde.


-Il faut que tu préviennes les autorités! ordonna-t-il d'une voix teintée de douleur avant de rouler sur le dos pour réduire sa silhouette et de claquer la portière d'un coup de pied. Je te couvre.


Kazakov avait toujours le pistolet mitrailleur du garde et l'empoigna fébrilement. À cet instant il ne ressentait pas de peur, seulement la douleur là où la balle avait lacéré sa chair. Une pensée incongrue lui traversa soudain l'esprit tandis que Ryan démarrait en trombe, obéissant à son dernier ordre.


Je vais crever en Amérique. Moi, constata-t-il avec horreur.


-Joyeux Black Friday foutus Yankees, grogna-t-il avant d'écraser la détente de son arme.

CHERUB Agent Double - KazakovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant